Au Bénin : un accord cadre pour gagner des marchés publics

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Riz
Pays : Bénin

Joseph Koutchika est à la fois coordonnateur du Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin (CCR-B) et secrétaire permanent de l’interprofession de la filière riz local (qui inclut les transformateurs et distributeurs). Mise en place en 2017, l’interprofession constitue un creuset de réflexion face aux problèmes de la filière riz et fait l’interface avec l’État pour avoir un cadre plus favorable à son développement.

Quelle place occupe le riz dans l’alimentation des Béninois ?

Une étude réalisée en 2012 estimait la consommation moyenne par habitant à 35kg/an. Aujourd’hui, cette consommation doit s’élever à 40kg/an/habitant environ. C’est la deuxième denrée la plus consommée, juste derrière le maïs. Nous produisons aux alentours de 400 000 tonnes de riz, ce qui devrait nous permettre de couvrir 50 % de nos besoins. Mais 70 % de la production nationale est exportée vers les pays frontaliers (Nigéria et Togo) !  Cela nous rend encore plus dépendants des riz importés.

Comment expliquer ces exportations malgré la demande intérieure forte ?

En 2016, les deux grandes rizeries de l’État qui conditionnaient une grande partie de la production rizicole ont été liquidées parce que peu rentables. De fait, les petites unités de transformation doivent désormais gérer seules tout le volume de paddy au moment des récoltes. Or, elles n’ont pas les capacités financières pour capter et stocker le riz afin de le transformer tout au long de l’année. Les unités de transformations étrangères profitent de cette faille pour capter une part conséquente de la production rizicole béninoise. À cause de cela, nos transformateurs connaissent des déficits de matière première au cours de l’année. Cela les empêche de faire face à l’engouement, croissant, des Béninois pour le riz local.

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Comment s’organisent actuellement les marchés institutionnels au Bénin ?

Aujourd’hui, le seul cadre est le Répertoire des prix de référence à l’usage de l’administration publique produit par le ministère des Finances. Destiné aux acheteurs publics, il recense les produits qu’ils devraient acheter ainsi que leurs prix. Des actions de plaidoyer menées entre 2016 et 2017 ont abouti au référencement de trois marques de riz béninoises : Saveurs des collines, Délice et Matékpo. Aujourd’hui, les promoteurs de ces marques soumettent des offres pour accéder à divers marchés institutionnels (centres pénitenciers, de santé, etc.) L’interprofession travaille à faire référencer d’autres marques de riz locales dans le répertoire.

À cela il faut ajouter la lettre du ministre des Finances, envoyée chaque année aux autres ministères, qui précise le pourcentage des fonds publics devant être investis dans l’achat de produits locaux. C’est ainsi que 80 % des produits agricoles consommés dans les structures étatiques doivent être issus de la production locale. Le contrôleur financier ne peut valider une dépense pour un riz importé et dont la fourchette de prix ne correspondrait pas à celle indiquée dans le guide. Néanmoins, les agents de l’État ne sont pas toujours en mesure de contrôler l’origine des produits. Par exemple, certains détaillants achètent du riz asiatique qu’ils conditionnent dans des emballages de marques recensées. Le seul moyen d’y parvenir serait finalement de confier ces marchés aux organisations de producteurs (OP) elles-mêmes afin qu’elles puissent justifier du pourcentage vendu aux institutions publiques.

Les OP peuvent-elles répondre directement aux marchés publics ?

Les marchés publics imposent des procédures que les OP ne sont pas toujours en mesure de respecter. Par exemple, ils sont seulement ouverts aux fournisseurs immatriculés au registre du commerce et les OP ne sont pas enregistrées dans ce registre. De plus, afin de justifier de leur capacité à satisfaire une commande publique, les agents de l’offre doivent atteindre un niveau de production donnée et détenir une certaine somme sur un compte en banque. Ce montant varie en fonction de l’acheteur et du volume de la commande. Il faut aussi rappeler que le paiement des achats par l’État est différé, or les OP ne peuvent se permettre d’attendre plusieurs mois avant d’être rémunérées.

C’est dans ce contexte que nous avons entamé des négociations en vue d’obtenir un accord-cadre6 avec l’État. L’idée avec cet accord est de créer un régime d’exception qui allégerait, voire supprimerait certaines de ces règles pour faciliter l’accès des OP aux marchés publics. Nous souhaitons que l’État accepte d’acheter auprès des organisations paysannes de la filière riz pour s’insérer dans le circuit du Programme alimentaire mondial (Pam) qui est chargé de la distribution des vivres dans les cantines scolaires).

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