Nicolas Bricas : "L'intermédiation est un enjeu stratégique"

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Transformation et filière

La structuration des filières est une étape essentielle vers une meilleure répartition de la valeur ajoutée. Quels défis relever pour y parvenir ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils soutenir les dynamiques de structuration ? Entretien avec Nicolas Bricas, socioéconomiste au Cirad.

En Afrique de l’Ouest, les politiques agricoles continuent de miser sur la hausse de la productivité. L’urgence n’est-elle pas davantage d’organiser les filières?

L’Afrique de l’Ouest a connu, ces cinquante dernières années, la croissance urbaine la plus rapide de l’histoire du monde. En quinze ans, la population des villes a doublé. C’est bien plus rapide que l’urbanisation du Royaume-Uni au XIXe siècle! Or, il est intéressant de noter que jusqu’à présent aucune ville de la région n’a jamais manqué de nourriture, y compris de nourriture locale, et ce malgré parfois des infrastructures dégradées. Ce résultat est le fait de milliers d’opérateurs privés, commerçants, transformateurs, distributeurs, généralement du secteur dit informel, qui s’organisent pour ravitailler les villes, qui créent des marchés à tour de bras, qui construisent des entrepôts de stockage, qui achètent des camions et approvisionnent quotidiennement les villes en produits frais, bruts ou transformés. Maintenant, il est vrai qu’on a trop longtemps considéré que la production était l’enjeu essentiel, sans trop se préoccuper de l’intermédiation : la transformation, le stockage, la commercialisation, la distribution… Or, l’émergence d’une classe moyenne urbaine ouest-africaine suscite la convoitise de grandes entreprises étrangères, qui veulent s’implanter sur le créneau de la transformation des produits locaux et risquent de concurrencer des milliers de petites entreprises. La structuration et la professionnalisation du secteur de l’intermédiation constituent un enjeu majeur. Il y a donc un passage un peu compliqué à gérer: poursuivre la structuration du secteur agroalimentaire, sans pour autant aller trop vite dans l’industrialisation, de façon à permettre aux petites entreprises de rester sur le marché. C’est difficile mais pas impossible ! L’Inde, par exemple, a été très attentive à la création d’emplois dans le métier de l’agroalimentaire. Elle a beaucoup encouragé les petites entreprises, parce qu'elle était sensible à la promotion de l'entrepreneuriat. 

La mutualisation des services en aval est-elle une piste pour renforcer l'intermédiation ?

Tout à fait. Les entreprises sont très petites et n’ont que peu de moyens d’investir, en particulier pour adapter leur offre aux exigences des marchés en libre-service qui se développent. Elles conditionnent souvent au moins cher, dans des sachets très fins, qui finissent par devenir poisseux. Elles ne peuvent donc pas rivaliser avec les produits industriels qui sont présents dans les rayons d’une épicerie ou d’un supermarché. Pour surmonter ce problème, l’une des pistes consiste à accompagner la création de coopératives de service qui assureront les opérations en aval pour un ensemble de petites entreprises. Il y a vingt ans, au Mali, Madame Mariko a créé une société de ce genre, Ucodal.

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Cet article est extrait de la publication Les batailles du consommer local en Afrique de l'Ouest