Les terres sont-elles accaparées parce qu’accaparables ?

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français

Ce mémoire de recherche de Joanna De Leener situe la réflexion sur l’accaparement des terres en amont grâce à la mise en évidence de l’ « accaparabilité », c’est-à-dire des facteurs qui contribuent à créer un contexte favorable à l’accaparement.

Elle a mené son enquête au Mali dans le Macina, zone délimitée de l’Office du Niger dont les terres irriguées sont l’objet de fortes convoitises de la part d’investisseurs étrangers et nationaux, avec le support actif de l’Etat. Trois facteurs d’ « accaparabilité » y ont été étudiés.

Le lien d’attachement à la terre

Plus un paysan a développé des liens intenses avec sa terre, plus il sera prompt à se mobiliser pour la défendre, au contraire d’autres paysans qui l’envisagent sous l’angle utilitaire  de simple support pour l’activité agricole. Dans le Macina, le lien qui unit les paysans à leur terre a été difficile à percer. La fonction économique prédomine mais la terre incarne aussi pour certains « des possibilités » ou « un futur ».

Le métier de paysan comme référence pour édifier une identité collective

La présence de cette référence collective a été recherchée auprès des paysans de l’Office du Niger. Les mécanismes de solidarité existent bien au quotidien mais répondent davantage à des logiques familiales, ethniques, interpersonnelles, qu’à une appartenance au statut de « paysan ». Travailler la terre n’inspire aucune fierté et l’activité ne suscite donc pas le besoin de protéger une identité collective.

Le refus de la soumission vis-à-vis des externalités

Dans les villages du Macina, les producteurs ont traditionnellement peu de contrôle sur leurs terres : ils n’en sont pas propriétaire, ils ne gèrent pas l’accès l’eau d’irrigation. Même si des tentatives collectives existent pour acquérir une marge de manœuvre, elles peuvent être entravées par la façon dont ils perçoivent leur environnement. Dans des sociétés où l’extérieur est perçu comme imprévisible et déterminé par des forces externes, voire magiques, comment développer des dynamiques de mobilisation contre l’accaparement ?

Voici posés les jalons pour une réflexion différente sur l’accaparement de terres, suggérant que les ressorts de mobilisation doivent être étudiés et des actions menées au niveau des paysans eux-mêmes.