Dix ans de négociations des APE : l'échec d'une mauvaise idée

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Anglais
Thématiques : Commerce international

Même si l'UE s'obstine à affirmer que sa conception des Accords de Partenariats Economiques (APE) est toujours la bonne, alors que les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) persistent à demander une solution plus favorable au développement, il est aujourd'hui indéniable que ces négociations sont un échec. Ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose : pour l'auteur de cette note, Marc Maes de la coalition des ONG belges 11.11.11, elles sont une mauvaise idée depuis le début.

La principale raison de l'échec des négociations est l'écart entre l'approche de l'UE et les attentes des pays ACP, ou plutôt le caractère inapproprié de l'approche européenne. Le concept d'accord commercial exhaustif et approfondi auquel l'UE se réfère va beaucoup plus loin que ce qui était prévu par l'Accord de Cotonou, ou que ce qui est demandé par l'OMC. Le mandat négocié prévoyait non seulement de libéraliser les investissements et le commerce, mais il introduisait aussi des règles de concurrence, de passation de marché publics, de propriété intellectuelle et de protection des données. On comprend que si l'UE avait pu faire adopter son approche réglementaire aux 76 pays ACP, cela aurait été un grand avantage pour elle dans les négociations à l'OMC.

En revanche pour les pays ACP, l'adoption des APE aurait signifié d'énormes réformes à la fois administratives, législatives et constitutionnelles. L'auteur ne conteste pas que ces réformes auraient peut-être pu bénéficier aux pays ACP. Toutefois, il n'y a pas de lien automatique entre commerce, développement et réduction de la pauvreté, une étude de janvier 2012 commandée par la Commission européenne le rappelle. Selon ce travail de recherche, les pays qui ont su profiter d'une libéralisation du commerce sont ceux qui ont procédé de façon ciblée et progressive en fournissant un soutien public aux secteurs économiques clefs. La libéralisation doit s'inscrire dans un programme stratégique de développement large. Or, les négociations commerciales sont une forme d'élaboration de politique non participative par excellence. Tout est marqué du sceau du secret et les parlements n'ont pas à intervenir. Ce cadre est donc totalement inapproprié pour mener à bien des réformes économiques et sociales profondes. On ne s'étonne donc pas que la société civile se soit révoltée contre ce système.

La manière dont les négociations ont été menées est également contestable. La Commission européenne s'est montrée rigide et paternaliste. En 2011, elle a posé un ultimatum aux pays qui n'ont pas ratifié et mis en œuvre les APE : à partir du 1er janvier 2014, ils ne pourront plus bénéficier des avantages inclus dans ces accords commerciaux bilatéraux.

Mais la donne géopolitique a changé depuis le début des négociations en 2002, les pays émergents ont accru leurs parts de marché, les pays ACP ont diversité leurs partenaires, les crises climatiques, alimentaires et financières ont faire apparaître la nécessité de garder des marges de manœuvres politiques et de renforcer les marchés locaux et régionaux. Pour beaucoup de pays ACP, la fin des avantages d'accès aux marchés européens représente un moindre mal comparé à la suppression des protections douanières.

 

Creuser le sujet :

- Etude, Les risques que les APE représentent pour la production locale et le commerce régional en Afrique de l'Ouest, 2012