La guerre en Ukraine relance l'absurde "produire plus pour nourrir le monde"

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Politiques agricoles et alimentaires

Des associations rappellent que l'enjeu est de mieux répartir et utiliser la production agricole et de renforcer l'autonomie et la durabilité des exploitations, notamment dans les élevages français (article tiré du numéro de mai/juin 2022 de la revue Transrural Initiatives)

En 2021, face aux difficultés d'approvisionnement liées aux confinements, le gouvernement et le syndicat agricole majoritaire plaçaient leurs premiers pions en détournant le concept de souveraineté alimentaire pour promouvoir la "compétitivité" de l'agriculture française et sa vocation exportatrice. En mars dernier, l'invasion de l'Ukraine leur offrait une nouvelle occasion pour relancer l'assertion - fausse - que l'Europe nourrit le monde et qu'il est nécessaire de produire plus pour éviter des famines. 

Revenir sur la stratégie alimentaire européenne

Sous l'impulsion d'Emmanuel Macron, le conseil de l'Union européenne (UE) autorise la remise en cultures des jachères le 24 mars. La présidence française et la Copa-Cogeca, première fédération agricole européenne (dirigée par la présidente de la FNSEA Christiane Lambert) - ainsi qu'un majorité de parlementaires français et d'autres pays - cherchant aussi à revoir à la baisse les ambitions de la stratégie alimentaire de la Commission européenne, Farm to Fork, qui prévoit d'atteindre en 2030 25 % de surface agricole en bio, une réduction des pesticides de 50 % et des engrais azotés de 20 %. [...]

Relocaliser les productions

Des premières critiques ont émergé sur l'intérêt de la remise en culture des jachères. Ces terres sont peu productives, les semis arriveront trop tard pour la récolte de 2022 et la production céréalière de l'UE augmenterait au mieux de 1,7 % en 2022. Le CCFD-Terre Solidaire estime de son côté que la hausse du prix du blé "est largement due et amplifiée par une forte réaction spéculative des marchés boursiers" et la constitution de stocks. Il rappelle que "nous produisons déjà suffisamment de nourriture au niveau mondiale" : 5935 calories par personne et par jour dont 934 pour des usages non alimentaires (agricarburants), 1738 pour nourrir les animaux d'élevage et 1 329 perdues ou gaspillées. "L'enjeu n'est donc pas de produire plus en Europe mais de relocaliser [...], de repenser le commerce et les échanges alimentaires et de faciliter l'accès financier des populations pauvres à l'alimentation", précise l'association. Au-delà du prix du blé, la hausse de l'insécurité alimentaire liée à la guerre en Ukraine a pour cause la hausse du prix des intrants - engrais, semences, pesticides - et des problèmes d'acheminements. 

Vision productiviste à court terme

De nombreux acteurs critiquent aussi une vision productiviste et de court terme, néfaste pour les agriculteurs, la souveraineté alimentaire et l'environnement. "S'il est nécessaire de prendre des mesures immédiates pour répondre aux conséquences terribles de la guerre, cela ne doit pas être au détriment des autres enjeux auxquels l'humanité fait face, comme la souveraineté alimentaire des peuples, la pollution généralisée des milieux et ses conséquences ou encore l'urgence climatique", alerte un collectif emmené par Générations futures, qui appelle à revoir à la baisse nos niveaux de production et de consommation de produits animaux ; à développer des modes d'agriculture et d'élevage autonomes ; et à augmenter la production de légumineuses, l'élevage extensif et le pâturage.  [...] Télécharger l'article entier

Article de Fabrice Bugnot, paru dans le numéro 491 de Transrural Initiatives mai-juin 2022

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Voir aussi la brève du CFSI de mars 2022 Guerre en Ukraine : quels impacts sur les systèmes alimentaires ?