Systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires : le cas de Niamey

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Transformation et filière

Comment caractériser le système de distribution de l'alimentation de Niamey ? Quelles en sont les évolutions ? L'étude met en avant la résilience du système d’approvisionnement, largement informel, dans un univers fortement contraint en termes de logistique, de politiques publiques, et d’instabilité tant au niveau de l’offre que de la demande.

Urbanisation rapide et dépendance

La population de Niamey a été multipliée par 30 entre les années 1960 et aujourd’hui. La densité qui en résulte est relativement élevée et sans précédent au Niger, elle contraste notamment avec le passé rural du pays.

Avec cette évolution, les sources d’approvisionnement sont complexifiées. La majorité des classes de produits sont déficitaires, avec notamment un déficit très important en céréales et légumes. En s’urbanisant, Niamey perd en autosuffisance et dépend de plus en plus d’autres régions pour l’alimentation de ses populations. L’acheminement de ces produits pose aujourd’hui de nombreuses difficultés.

Les différents types de produits (secs, frais et carnés) proviennent de zones distinctes, connaissent des flux de différentes vitesses – notamment dû à des contraintes de stockage distinctes – et des chaines d’acteurs plus ou moins longues.

Des exemples :

- le mil : malgré sa facilité de stockage et  des pertes quasiment nulles, le mil est  sujet à la spéculation. En même temps, en tant que produit de première nécessité, il est l’objet de davantage de régulations

- le poulet : son stockage est complexe et coûteux.  La filière se distingue aussi par l’importance des réseaux frauduleux. Les importations devraient normalement être régulés aux frontières compte tenu des risques sanitaires. La filière souffre d’un manque de compétitivité important, concurrencée à la fois par la production régionale et la production européenne, qui reste plus compétitive malgré les coûts d’importation.

- la tomate : les prix fluctuent fortement. Les possibilités de transformation semblent sous-exploitées, alors que celles-ci pourraient améliorer la conservation et ainsi stabiliser les prix (production de tomates séchées, de sauces, etc.).

Dépendance au riz importé

A Niamey comme dans de nombreuse capitales de la sous-région, le riz importé décortiqué est de plus en plus préféré par les consommateurs au riz local, pour des raisons de facilité de cuisson, de disponibilité , de goût et de prix.  Le riz importé trois fois moins cher que le riz produit localement. La raison de cet écart de prix tient essentiellement au coût élevé du système d’irrigation via l’électricité pour la production locale, en dépit de la subvention sur l’électricité et les engrais. Pour une consommation annuelle d’environ 500 000 tonnes, la production locale atteint aujourd’hui à peine 100 000 tonnes par an.

Absence de régulation des opérateurs économiques de la part de l’Etat

Il existe au Niger une loi dite des 3 % qui doit s’appliquer en cas d’importation d’un produit existant localement : l’importateur est dans l’obligation de commander 3 % au niveau local. Cependant les opérateurs économiques ne respectent pas cette loi. Ils obtiennent des dérogations du Ministre du Commerce. L’Etat dispose d’outils de régulation mais accepte leur contournement, afin de maintenir une situation de monopole qui semble l’arranger.

Le système de taxation des marchés n’est pas optimal, notamment du fait de la connivence entre acteurs économiques et politiques. Les collecteurs s’arrangent avec les commerçants : ils prélèvent sans reçu un montant inférieur à ce qui devrait être collecté. Cet argent est en partie encaissé par le collecteur, une autre partie revenant au parti politique. Seules les taxes prélevées avec reçus sont remises aux finances communales.

=> L’Etat dispose ainsi de peu de fonds pour des investissements durables et  se concentre avant tout sur des actions d’urgence liées aux crises alimentaires. 

Nécessité des politiques publiques pour gagner les « batailles du consommer local »

La hausse des importations va nécessairement se poursuivre. Elle s’appuie sur des réseaux bien organisés de commerçants étrangers et nationaux, qui sont de plus en plus à même de mettre sur le marché de Niamey des produits identiques à ceux cultivés au Niger (péri urbain et autres) à des prix plus compétitifs.

=> La proximité des zones de production, si elle ne s‘accompagne pas d’une forte augmentation de la productivité, et de l’efficacité de la mise en marché, n’est pas une condition suffisante pour gagner la bataille de la compétitivité. Seuls de forts investissements publics pourraient changer les manières de s’approvisionner et les modes alimentaires.

Voir l'étude complète

Cette étude a été réalisée dans le cadre du programme de recherche sur « Les systèmes de distribution alimentaire en Afrique : repenser le rôle des marchés dans l’infrastructure commerciale ».