Situation Covid-19 en Afrique de l’Ouest

24 avril 2020

Les crises sanitaires et économiques provoquées par le Covid-19 prennent de l’ampleur en Afrique de l’Ouest. En attestent les messages reçus via le forum de discussion en ligne Roppa-Pafao-Jafowa et les retours de terrain des organisations soutenues par le programme Pafao. Des structures s’interrogent par rapport à la continuité de leur accompagnement. Renforcer les systèmes alimentaires locaux et durables s’impose plus que jamais.

Sensibilisation des populations et mesures de prévention au sein des organisations

« Un grand nombre d’actions de sensibilisation ont eu lieu : à la télé, à la radio, partout. On ne parle que de ça, même au fin fond des campagnes.» Eugène Millogo, Upromabio (Burkina Faso)

« Les Togolais respectent en général les “gestes barrière”, il y a eu beaucoup de communication sur ce point. » Pascaline Toulouse, AJFD (Togo).

« Les activités de terrain sont pratiquement toutes suspendues. » Mame Coumba Faye, Gret (Sénégal)

« Nos équipes sont en télétravail afin de ne pas les exposer, mais aussi de ne pas être vecteur de cette maladie auprès des populations que nous appuyons. Cela s’accompagne donc d’un arrêt des activités de terrain comme les formations ou des chantiers collectifs. » Guillaume Babin, Univers-Sel (Guinée Bissau)

Perturbation des circuits alimentaires locaux

La crise provoquée par le Covid 19 porte un coup à la commercialisation des produits locaux. Des ralentissements sont également à prévoir au niveau de la collecte et de la production.

« Les marchés sont partiellement voire totalement fermés. Les frontières sont fermées, les transports interurbains restreints ou totalement arrêtés. Avec les restrictions de déplacements plusieurs maillons des chaînes d’approvisionnement sont perturbés. » Daouda Diagne, sociologue rural (Sénégal)

« En fait, l'accès aux populations de Dakar est plus facile pour les produits importés que les produits locaux cultivés par les exploitations familiales. » Karfa Diallo, Enda Pronat (Sénégal)    

« Pour l’unité de transformation du bissap, chaque année nous recrutons 20 femmes mais cette année nous n’en avons pris que 10. Pour la transformation de la mangue, on emploie 60 femmes, cette année ce sera 30. Notre production va chuter de 50 %. » Eugène Millogo, Upromabio (Burkina Faso)

« Les minilaiteries subissent les conséquences en priorité. Ici, l'alimentation de base est la céréale. Lelait ou le yaourt sont des produits de luxe. Les gens vont se focaliser sur ce qui est indispensable. » Mahamoud Sow, ICD (Mali)

« La réduction des déplacements risque de poser problème aux éleveurs pour l'approvisionnement en aliment bétail et en fourrages. Il reste également le problème de la collecte, qui, dans un contexte de confinement, nécessite des adaptations... Si le confinement est généralisé, on risque d'arrêter la collecte. Si on parvient à sécuriser la production, il faut également qu'on parvienne à maintenir la collecte. » Mame Faye, Gret (Sénégal)

« Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour limiter la propagation du virus et qui ont une conséquence sur les activités des Béninois y compris celles de la Pnoppa. C’est surtout la création d’une zone sanitaire groupant Cotonou et quelques communes environnantes, pour contenir la propagation du virus afin qu’il n’aille pas faire de dégâts en milieu rural où les populations ne sont pas encore suffisamment sensibilisées. La mise en place de ce cordon sécuritaire handicape sérieusement nos activités. » Anselme Akogou, Pnoppa (Bénin)

« Des éleveurs sont déjà obligés de revendre à moitié prix leur production. Il arrive même qu'ils troquent. En fait, ils sont en train de décapitaliser pour faire face à la situation. On entrera bientôt dans une situation de crise. » Adja Sene, Apess (Sénégal)

Aggravation de la précarité alimentaire

Que ce soit en ville ou à la campagne, les Ouest-africains connaissent déjà des difficultés pour assurer leurs revenus et se nourrir convenablement. Il apparaît essentiel de soutenir une approche globale, allant de la santé à l’alimentation.

« Il y a 3 nouveaux virus plus ravageurs qui sont apparus au Sénégal : Pochevid-20, Frigovid-20 et Ventrevid-20 et qui sont plus virulents que le Covid-19. » Karfa Diallo, Enda Pronat (Sénégal)

« La capacité de réserves alimentaires et pécuniaires est loin d’être garantie pour une très grande majorité des familles ouest-africaines. » Daouda Diagne, sociologue rural (Sénégal)

« Malheureusement, on a opté pour agir sur les conséquences (la faim, en donnant des vivres), ce qui n'est pas condamnable mais la solution durable est de permettre aux paysannes et paysans de PRODUIRE et de maintenir LEUR POUVOIR D'ACHAT.  A ma connaissance, rien n'est encore fait comme si les autres secteurs (autre que la santé) n'existaient pas... Le réveil risque d'être aussi douloureux que le Covid-19. » Mar Ngom, Fongs (Sénégal)

« Dans les zones rurales tous les loumas (marchés hebdomadaires) sont arrêtés alors qu’ils constituent les rares activités économiques d'envergure.

Mais les quartiers populaires urbains sont de véritables poudrières sans revenus. Le secteur dit informel assure des revenus indispensables à l'accès à la nourriture. Les mesures d'accompagnement sur les factures d'eau, d'électricité, les bourses alimentaires et autres aides ne peuvent pas compenser les pertes de revenus dues au Covid-19. 

Il y a déjà beaucoup d'actes de défiances au couvre-feu, et tout autre resserrement du confinement peut déclencher un soulèvement. » Karfa Diallo, Enda Pronat (Sénégal)

Adaptation des circuits de distribution des produits locaux

« Nous réfléchissons à l'achat de motos pour répondre aux commandes [de produits locaux] avec livraison qui augmentent de plus en plus. [...] Si nous voulons maintenir les produits locaux dans le système alimentaire, il faut revoir beaucoup de nos approches. » Karfa Diallo, Enda Pronat (Sénégal).

« A l’heure où de nombreux marchés ferment, les ventes, en circuits courts, sur commandes et à domicile, peuvent se développer. [...] Au Burkina Faso, les organisations de producteurs que nous accompagnons, avec la CPF, dans la région des Cascades, ne pouvant plus écouler leurs produits dans les cantines scolaires, ont mis en place un nouveau réseau virtuel (groupe WhatsApp) pour se faire connaître d’autres acheteurs publics (maisons d’arrêt, hôpitaux) et écouler leurs produits. » Estelle Dandoy, Acting For Life (Burkina Faso, Togo).

Propos recueillis par Gabrielle de Dianous et Alice Moreau (CFSI), 17 avril 2020