Sacrifier des terres, l’air, l’eau et l’argent public

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Politiques agricoles et alimentaires

Dans le nord de la région parisienne, EuropaCity, le projet de centre commercial démesuré d’Auchan ne se fera qu’au prix d’une dégradation des conditions de vie des habitants alentour, alerte le magazine Transrural Initiatives

Fin 2015, le France accueillera la 21ème conférence des parties sur le climat. Autrement dénommée en toute simplicité « Paris 2015 », la rencontre où 20 000 personnes sont attendues, sera organisée au Bourget, à une dizaine de kilomètres au nord-est de Paris. En continuant un peu plus loin, vers le Nord, le long de l’A1, entre l’aéroport du Bourget et Roissy-Charles de Gaulle, se trouve la commune de Gonesse. C’est ici que le groupe Auchan a décidé d’implanter EuropaCity, symbole de toutes les contradictions entre discours de préservation des espaces et projets d’aménagements.

Présenté par le promoteur comme « le futur quartier des loisirs du Grand Paris qui proposera un alliage inédit de loisirs, de culture, de commerce et d’hôtels », EuropaCity fait partie des pharaoniques aménagements prévus dans le cadre de la future métropole parisienne qui doivent finir de bétonner les derniers espaces qui ne le sont pas encore. Dans la cité valdoisienne de Gonesse, où quelques centaines d’hectares sont encore cultivés (en céréales essentiellement), l’idée du géant de la grande distribution est d’investir 2 milliards d’euros pour construire sur 80 hectares* un nouveau quartier de loisirs « à destination de tous les publics franciliens, touristes nationaux et internationaux (et dont) l’objectif affiché est d’accompagner le développement du Grand Roissy, au bénéfice direct des habitants du territoire ». On pourrait multiplier les citations « d’éléments de langage » destinés à instiller l’idée que ce projet est un réel projet de développement local pensé « pour et par les habitants du territoire ». Même si ce dernier ambitionne d’accueillir, à terme, 30 millions de visiteurs par an, soit deux fois plus que le parc d’attractions Disneyland-Paris qui reste le premier site touristique français en termes de fréquentation…

Des paroles et des actes

« Avec ce projet, on reconstruit une ville dans une zone déjà très polluée, sur un sol très fertile qui est une rareté à l’échelle de la planète. On va créer des îlots de réchauffement, modifier complètement le régime de l’eau et des infiltrations dans des terres qui ont un rôle de dilution de la pollution : c’est grâce à elles si les gens peuvent vivre ici », expliquait Jean-Claude Marcus, administrateur de l’Association française pour l’étude du sol venu intervenir, en septembre dernier lors de la mobilisation contre le projet EuropaCity, organisée par le collectif Alternatiba Île-de-France. Pour certains élus régionaux, également présents sur « le village aux initiatives » installé pour l’occasion, ce projet est symptomatique du décalage entre les objectifs des politiques publiques et leur mise en œuvre. « Intellectuellement, on veut protéger les terres, les conditions de vie, etc. mais, techniquement, que fait-on ?, s’interrogeait Jean-François Pélissier, élu Front de gauche.

Aujourd’hui, comme dans nombre d’autres projets, le développement de l’emploi est l’argument massue mis en avant par les soutiens du promoteur. Avec EuropaCity, le groupe Auchan fait miroiter 11 500 emplois directs. « Les collectivités prévoient d’investir 20 millions d’euros dans un golf, une partie du projet EuropaCity ; imaginez ce qu’elles pourraient faire d’autre avec cet argent ! », s’indignait Bernard Loup du Collectif pour le Triangle de Gonnesse. D’autant plus que dans cette zone du Val d’Oise et dans la Seine-Saint-Denis voisine, d’autres gigantesques zones commerciales (sans golf, certes) aujourd’hui en difficulté, comme Aéroville à Roissy, ont déjà vu le jour à grand renfort d’argent public.     

* EuropaCity fait partie d’un projet d’aménagement plus large (avec quartier d’affaires, parcs…) concernant 280 ha. 

Article d'Hélène Bustos, article paru dans le numéro de mars 2015 de Transrural Initiatives

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