Réponses des organisations paysannes aux besoins de financement des exploitations familiales

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Transformation et filière

En 2003, SOS Faim, la Sidi et Inter-Réseaux animaient un atelier visant à renforcer le dialogue entre organisations paysannes et institutions de financement rural. Près de dix ans après, les organisateurs font un bilan des stratégies adoptées par les organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest en matière d’accès au financement. Le parcours de Mooriben au Niger montre comment l'expérimentation, l'hybridation et la création d'un climat de confiance peuvent ouvrir des perspectives. 

Le boom de la microfinance

La microfinance s’est considérablement développée dans les années 80, dans un contexte général du désengagement de l’Etat. Si la microfinance a bien fonctionné dans certaines situations, elle s’est souvent révélée incapable de financer les exploitations agricoles familiales. Depuis les années 2000 cependant, le « retour du rôle de l’Etat » dans les politiques de développement a fait évoluer la situation en Afrique. Les pouvoirs publics ont en effet créé des outils visant à encadrer les institutions de microfinance et les organisations professionnelles agricoles s’imposent de plus en plus comme des acteurs incontournables.

Le monde rural toujours à l’écart

Mais les effets de l’encadrement de l’Etat se font ressentir : des outils de contrôle plus stricts ont favorisé la concentration et la centralisation des services offerts par les grandes IMF (institutions de micro finance) d’Afrique de l’Ouest qui se trouvent davantage dans une logique de recherche de rentabilité, ce qui n’a pas contribué à améliorer la connexion du monde rural au monde bancaire.  Aussi, le taux de « bancarisation » de l’ensemble de la population est resté très faible (autour de 2 % au Niger, de 8 % au Sénégal). Le secteur rural agricole est davantage marginalisé car les IMF sont réticentes à investir dans l’agriculture, secteur qu’elles connaissent mal et qu’elles trouvent risqué.

Des organisations paysannes qui cherchent à répondre à leurs propres besoins de financement

Face à ce constat et au défi de modernisation qui s’impose à l’agriculture familiale rurale en Afrique de l’Ouest, les organisations paysannes ont développé des initiatives visant à répondre à leur besoin croissant de financement. Les stratégies sont aussi variées que les contextes et peuvent prendre la forme d’une internalisation du crédit par les organisations paysannes, la création de caisses d’épargne et de crédit, le suivi de leur mise en réseau ou encore la construction de partenariats avec les institutions financières existantes.

Panel de stratégies au Niger

Le cas du Niger est particulièrement intéressant car il illustre la capacité d’amélioration des structures face aux difficultés rencontrées. La Fédération des unions de groupements paysans du Niger (FUGPN-Mooriben), créé en 1993 et regroupant plus de 58 membres en 2013 est ainsi passée d’une internalisation de la gestion du crédit dans l’organisation (de 1999 à 2005) à des formes de partenariat avec les institutions existantes. 

Le processus d’internalisation a mis en place des crédits autogérés. Si ces derniers ont permis à une importante part de ruraux d’accéder aux crédits, la mauvaise gestion et la non-conformité à la réglementation nationale ont limité l’expérience. La Fédération a donc opté pour une seconde stratégie : le transfert de la gestion des fonds de crédit à des institutions de microfinance existantes. Les fonds restent cependant cogérés par les deux structures. Malgré quelques résultats positifs, la fragilité des IMF et la capacité de suivie insuffisante de la fédération n’ont pas permis d’adapter les crédits aux exploitations familiales.

L’évolution s’est donc poursuivie et depuis 2002, il existe un système de « caisse fille » qui sont créées via les unions. Le succès est très relatif. Plus que deux caisses sur six sont en activité mais n’ont pas fait l’objet de reconnaissance légale. Il y a, en outre, une défaillance dans le suivi et le contrôle des caisses.

Une réflexion participative appuyée par le secteur de la recherche

A la suite de ces échecs, Mooriben a mené une réflexion stratégique sur son modèle de crédit de 2009 à 2011. Il s’agissait notamment de s’adapter à la nouvelle législation et de faire face à la croissance de Mooriben. Le diagnostic préconise la refonte du dispositif et la renonciation de la gestion directe du crédit par la fédération. Elle s’appuiera désormais sur des contrats avec des institutions financières, stratégie qu’elle suit actuellement. L’organisation cherche également à diversifier l’offre de crédit pour s’adapter aux différents contextes. En 2012, Mooriben signe un accord de partenariat avec la Bagri (banque agricole du Niger, organisme d’Etat créé en 2010) sur des crédits intrants, commercialisation et warrantage. Cet accord avec un service étatique a permis de minimiser les risque et jusqu’à aujourd’hui, tous les crédits échus ont été remboursés à temps.

Il semble donc que les systèmes de crédit en milieu rural aient à passer par l’expérimentation et l’hybridation des modèles. La contractualisation et l’instauration d’un climat de confiance entre organisations paysannes et institutions de microfinance ouvrent de nouvelles perspectives. Si la fédération a internalisé l’accompagnement technique par le recrutement d’une compétence spécialisée en microfinance, la gestion du crédit reste l’apanage des institutions externes. On se retrouve donc bien dans une logique d’hybridation qui paraît fructueuse.

 

Creuser le sujet :