Promouvoir le lait local au Sahel, les enseignements de Nariindu

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Elevage, Transformation et filière

Le lait du Niger n'est que faiblement valorisé et commercialisé alors que la demande urbaine est forte et en augmentation constante. Les laiteries de Niamey s'approvisionnent à 85 % en poudre de lait importée.

Le projet Nariindu a développé une solution innovante de centre de collecte paysan multi-services. Les enseignements du projet sont utiles pour le plaidoyer en faveur du soutien à l'agro-pastoralisme sahélien.

Résultats du projet Nariindu

Un premier centre de collecte a été mis en place dès 2008 à Hamdallaye, à proximité de Niamey. Les acquis de ce premier projet ont été capitalisés pour la phase suivante pour laquelle l'Iram s'est impliqué. Un deuxième centre de collecte multiservices a ouvert à Kollo fin 2012. 

Les éléments importants du modèle sont :

- la multiplicité des services (collecte et commercialisation, approvisionnement en aliment du bétail, conseil technique) ;

- gouvernance paysanne (les centres sont gérés par UPROLAIT et KAWTAL, deux coopératives) ;

- localisation dans un bassin de production importation ;

- liaison à l’aval avec un industriel (demandeur de lait local en quantité et qualité) ;

- collecter plutôt que transformer (à la différence des minilaiteries) afin de toucher un plus grand nombre d’éleveurs.

En 2014, les deux centres ont collecté chacun plus de 1 000 litres par jour en 2014, et davantage encore en 2015. Les volumes collectés sont en constante augmentation et la forte demande de lait cru sur Niamey n'est toujours pas entièrement satisfaite. Un seuil d'environ 3 500 litres / jour est à atteindre avant de pouvoir lancer une ligne de produits "10 % locaux". Les volumes collectés sont largement supérieurs à ceux collectés par la plupart des minilaiteries de la sous-région. Le modèle privilégie des revenus réguliers pour un grand nombre d'éleveurs à des revenus importants liés à la transformation du lait pour un petit nombre d'éleveurs. Pour inciter à la collecte et limiter les frais de transport pour SOLANI le prix au litre négocié avec les OP est variable en fonction des volumes.

Les recommandations importantes

- Avec l'augmentation des flux financiers, il faut professionnaliser la gestion des centres, renforcer le contrôle interne et mettre en place des audits externes.

- Pour gérer la variation saisonnière de la collecte, une collecte mobile (camion réfrigéré se déplaçant avec le cheptel vers les zones de pâturage) est envisagée par SOLANI. 

- L'appui à la mobilisation et à la fidélisation des collecteurs privés (15 à 20 collecteurs par centre, généralement équipés de motos) a été un élément déterminant pour l'atteinte des objectifs de collecte.

- Les revenus du lait cru ont parfois été captés par les hommes au sein des foyers mais les revenus du ménage ont globalement augmenté et la traite du soir a été réservée aux femmes. Il faudrait toutefois analyser plus précisément les impacts pour les femmes et pour l'état nutritionnel de la famille.

Les enseignements pour les filières lait local au Sahel

En périphérie de Niamey, on constate que la plupart des minilaiteries créées pour valoriser le lait local se sont tournées progressivement vers la poudre de lait. Toutes les laiteries industrielles ou locales, supposées proches des éleveurs, ont recours à la poudre de lait, produite par des agricultures ultra-compétitives et subventionnées. C'est une réalité à prendre en compte et vouloir concurrencer la poudre de lait importée est illusoire. Toutefois les systèmes agro-pastoraux sahéliens sont cruciaux pour la mise à profit d'espaces naturels souvent arides et la création d'emplois sur ces territoires. Il appartient alors aux décideurs de voir quels sont les modèles les plus favorables aux petits éleveurs. Pour l'Iram, les acteurs locaux peuvent s'appuyer sur les acteurs dominants en place comme SOLANI. Les centres de collecte nécessitent peu de moyens, c'est sur l'industriel que repose la charge de la transformation et de la vente (et cette industrie a le savoir-faire, les réseaux et les moyens appropriés). 

Les coopératives de producteurs ont joué un rôle important dans la négociation des prix et des marges. SOLANI avait échoué par le passé à dynamiser la production locale en augmentant ses prix payés car toute l'augmentation était captée par les collecteurs. Les OP sont importantes pour mobiliser les producteurs et les inciter à améliorer leurs performances.

Ce projet a bénéficié de financements Fondation de France (appel 2011) et CFSI/AFD (appel 2014) dans le cadre du programme de Promotion de l'agriculture familiale en Afrique de l'Ouest.