Investissements et régulation des transactions foncières de grande envergure en Afrique de l’Ouest

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français

Les acquisitions de terres agricoles ne sont pas un phénomène nouveau, mais l’accélération de leur rythme et l’importance de la taille des terres louées ou vendues au cours de ces dernières années sont inédites. Si ces transactions peuvent permettre l’accroissement des investissements et des innovations, elles sont encore mal encadrées et souffrent de l’absence de réglementations nationales et internationales bien établies. L’objectif de cette étude est de formuler des propositions qui servent de base au dialogue régional ouest-africain sur les mécanismes de régulation foncière face aux pressions commerciales sur les terres. L’une des principales recommandations est qu’il est nécessaire d’accompagner les populations en fournissant des éléments d’aide à la prise de décision lors des transactions foncières. En 2010, dans un rapport sur l’accès à la terre et le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit a l’alimentation, met en exergue le fait que, si la sécurité d’exploitation est essentielle, les titres individuels de propriété et la création d’un marché pour les droits fonciers ne sont toutefois pas toujours les meilleures façons d’y parvenir. La priorité devrait être accordée aux modèles d’investissement qui n’entraînent pas l’expulsion des usagers de la terre et qui n’encouragent pas la concentration foncière. A un moment où la volatilité des prix des produits agricoles et alimentaires pèse de plus en plus sur la sécurité alimentaire en Afrique, il est important de regarder l’impact des transactions foncières sur l’accès à l’alimentation des populations. Au Mali, les investissements fonciers étrangers sont concentrés dans la zone de l’Office du Niger. Ils proviennent de pays divers: Royaume Uni (Crest Global Green Energy et Lornho à travers la firme sud africaine Illovo), la France (Agro-Ed), la Chine (N Sukala), la Côte d’Ivoire, etc. Les superficies concernées sont variables. Le record revient à la Lybie avec 100 000 hectares et surtout au Royaume-Uni avec près de 900 000 hectares pour Crest Global Green Energy au Mali, en Guinée et au Sénégal. Contrairement aux idées reçues, dans la majorité des pays ou les études de cas ont été réalisées, les investisseurs nationaux sont plus nombreux que les investisseurs étrangers. Une étude réalisée récemment dans quelques pays de l’Afrique de l’Ouest (Hilhorst, Nelen et Traore 2011) révèle que plus de 95 % des investisseurs sont des nationaux, que 45 % résident dans les provinces ou les investissements sont réalisés et 37 % dans les capitales. Dans les zones qui ont fait l’objet d’enquête pour cette étude, la superficie maximum acquise est de 504 hectares au Benin, 300 hectares au Burkina Faso et 632 hectares au Niger. Il faut donc une réglementation et une régulation des transactions foncières au niveau national, régional et international afin de discipliner investisseurs nationaux et étrangers. Des pistes sont proposées :

  •  rendre les procédures foncières plus rapides et moins contraignantes
  • assurer la participation des groupes marginalisés aux mécanismes de régulation foncière et assurer la diffusion la plus large possible des textes fonciers
  • mettre en place des observatoires nationaux du foncier
  •  préciser et protéger les droits fonciers locaux, notamment coutumiers et respecter les droits fonciers et les usages existants
  • redynamiser le protocole de la CEDEAO sur la libre circulation et le droit d’établissement
  • créer un fonds régional pour la réforme foncière
  • mettre en place une charte foncière régionale