Climate-Smart Agriculture : un concept 2.0 ou 0 tout court

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Climat et énergie

La France accueillait en mars 2015 une conférence sur « l’agriculture climato-intelligente », un concept censé répondre aux enjeux du changement climatique.

Les lecteurs de Transrural Initiatives sont familiers de la question du changement climatique et de ses liens avec l’agriculture (cf. TRI n°234 et 419). Mais qui l’est du concept de Climate-Smart Agriculture ou « agriculture climato-intelligente » ?

Pour Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA en charge du dossier « environnement, énergie et changement climatique », l’agriculture climato-intelligente doit « accompagner les agriculteurs face au changement climatique, par la recherche de solutions techniques face aux décalages de récoltes, à l’adaptation des variétés… » En s’appuyant sur des exemples de nouveaux projets, notamment celui mené en partenariat avec Météo-France sur la gestion de la ressource herbe en Pays-de-la-Loire, elle détaille : « L’un des côtés intéressants de l’agriculture climato-intelligente, c’est le numérique et ses applications pour réduire les engrais et optimiser les itinéraires culturaux. » La FNSEA et Transrural ne sont pas les seuls s’intéresser au sujet ; l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en étroite association avec la Banque mondiale, cherchent à l’imposer depuis 2010. Laurent Levard, coordinateur du Groupe de recherche et d’échanges technologiques (Gret), une ONG française de développement, la définirait comme « un modèle d’agriculture à la fois capable de s’adapter et de répondre aux enjeux du réchauffement mais également d’augmenter la productivité ». Rien de neuf par rapport au concept de double performance environnementale et économique du ministère en charge de l’agriculture en France.

Mise en œuvre, le vent se lève

C’est dans sa mise en application que l’agriculture climato-intelligente fait grincer des dents. Autour de ce concept s’est créée, en 2014, la Global alliance of climate-smart agriculture (Gacsa). Cette « alliance » regroupe des ONG, comme l’Union internationale pour la protection de la nature, des institutions, des multinationales et leurs lobbies comme Fertilizers Europe et 22 pays dont la France. Dans un rapport publié en mars dernier, Attac et la Confédération paysanne dénoncent les solutions défendues par ce groupe comme les Organismes génétiquement modifiés (OGM), la finance carbone ou encore l’enfouissement des engrais azotés…

On peut s’étonner de voir la France partie-prenante d’une telle alliance. Le modèle agroécologique promu depuis quelques années repose, plus que dans d’autres pays, sur les pratiques paysannes, encouragées avec les Groupements d’intérêt écologique et économique (GI2E) que sur des technologies 2.0 ou l’utilisation d’OGM. Pour Laurent Levard, c’est une manière de « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier : d’un côté la France finance des conférences sur l’agro-écologie à la FAO, où elle se heurte parfois à l’opposition des États-Unis, de l’autre elle participe au Gacsa en prévision des négociations sur le climat de la fin de l’année ». Les enjeux sont importants puisque lors de la conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à la fin de l’année au Bourget (cf. TRI n°444), les gouvernement veulent sous-traiter les négociations concernant l’agriculture au Gacsa, ce qui donnerait un poids important aux multinationales. Si certaines nouvelles technologies, notamment celles favorisant les démarches collaboratives, sont intéressantes pour s’adapter au changement climatique, il ne faudrait pas que la réflexion sur l’agriculture climato-intelligente soit le cheval de Troie des multinationales dans les négociations aux dépens des pratiques paysannes.

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Article paru dans Maxime Bergonso (MRJC) paru dans le numéro 446 deTransrural Initiatives de juin 2015

 

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