Capitaliser les innovations locales et paysannes pour promouvoir l’agriculture familiale

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Multifilières

L’Année internationale de l’agriculture familiale a été l’occasion de mettre en évidence les capacités d’innovation des agricultures familiales. Pourquoi capitaliser ces innovations et comment permettre leur changement d’échelle ?

Hélène Basquin et Isabelle Duquesne (HB & ID) : Un des objectifs de la capitalisation est de tirer des enseignements d’une expérience de terrain, pour s’inspirer de ses réussites et ne pas reproduire ses échecs. Le programme Pafao (Promotion de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest) comporte un volet capitalisation : il soutient des initiatives de terrain et cherche à créer, à partir de toute cette richesse du terrain, de la connaissance qui sera utile au-delà des projets soutenus.

Henri Rouillé d’Orfeuil (HRO) : Le changement dans les agricultures provient d’innovations qui peuvent être d’origine scientifique ou paysanne. Dans les pays où la recherche est faible, comme souvent en Afrique, l’innovation est d’abord et essentiellement paysanne. Elle provient le plus souvent d’un paysan qui a trouvé une réponse à un problème concret qui se pose à lui, un changement d’environnement, un accident dans son système de production, une opportunité de marché…. Ce changement en milieu réel peut être observé facilement, puis répliqué, par d’autres paysans voisins confrontés aux mêmes difficultés, encore faut-il s’assurer que les résultats sont bien réels, identifier les conditions de la réussite et s’assurer que de telles conditions peuvent se retrouver là on souhaite diffuser l’innovation. La capitalisation doit permettre aux paysans lointains d’élargir leurs regards bien au-delà du champ du voisin, voire d’aller chercher de nouvelles pratiques au-delà des frontières et des océans. Il me semble que tout bailleur devrait poursuivre leur appui au-delà de la réalisation des projets qu’ils soutiennent pour que des enseignements puissent être tirés et, s’ils s’avèrent positifs, proposés à d’autres partenaires. Tout bailleur devrait ainsi à mon sens poursuivre un double objectif : d’une part, permettre la réussite locale d’un projet, d’autre part, soutenir la capitalisation des enseignements du projet et même contribuer à leur valorisation et à leur diffusion. Le repérage et l’analyse des innovations sont les premières cibles des travaux de capitalisation et de valorisation.

L’objectif de la capitalisation est donc de permettre le changement d’échelle d’une innovation ?

HB & ID : Oui, et ce sous différentes formes, car le changement d’échelle peut renvoyer à plusieurs dynamiques. Une capitalisation peut permettre de « faire grandir » une innovation : augmentation du volume traité, du nombre d’adhérents… En Guinée par exemple, la capitalisation d’une expérience réussie de professionnalisation des maraîchers a permis à l’Association française Normandie Guinée et à la Fédération des maraîchers Bowé-Badiar de renforcer leur crédibilité auprès du ministère guinéen de l’Agriculture. Grâce à un partenariat avec l’enseignement agricole public, ils recrutent les jeunes issus des formations agricoles et le maraîchage monte en puissance dans la région. Il peut également permettre à une innovation d’essaimer : l’expérience est reprise – souvent en étant adaptée – dans un autre territoire. C’est le cas par exemple des Entreprises de services et organisations de producteurs (Esop) qui se sont multipliées au Togo, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Burkina Faso. [...]

Article paru dans Grain de sel 67-70 : Année internationale de l’agriculture familiale : bilan et perspectives

 

Pour aller plus loin : voir la publication Nourrir les villes, défi de l'agriculture l'agriculture familiale

 

Hélène Basquin est chargée d'information Agriculture et Alimentation au sein du CFSI.Isabelle Duquesne est ingénieure en agriculture. Elle est responsable programme Agriculture et alimentation au sein du CFSI.Henri Rouillé d’Orfeuil est ingénieur agronome. Il a notamment travaillé en France au ministère des Affaires étrangères et au Cirad ainsi qu’à la Banque mondiale.