Agrobusiness, déforestation et covid-19 : revue scientifique

Le biologiste Rob Wallace (University of Minnesota)

Dans un entretien mené par Yaak Pabst, le biologiste Rob Wallace (auteur de Big farms make big flu paru en 2016) souligne la responsabilité de l’agriculture capitaliste dans l’émergence de nouvelles infections : "L’agriculture capitaliste, en remplaçant les écologies naturelles, offre les moyens exacts par lesquels les agents pathogènes peuvent développer les phénotypes les plus virulents et les plus infectieux. On ne pourrait pas concevoir un meilleur système pour produire des maladies mortelles." [...] "Quiconque cherche à comprendre pourquoi les virus deviennent plus dangereux doit étudier le modèle industriel de l’agriculture et, plus particulièrement, de l’élevage animal. À l’heure actuelle, peu de gouvernements et scientifiques sont prêts à le faire. Bien au contraire." Lire l'interview sur expansive.info

L'écologue Kate Jones (University College London)

Selon une étude menée par Kate Jones entre 1980 et 2013, 65% des maladies infectieuses émergentes étaient des zoonoses. Ce chiffre a augmenté tout au long de l'étude, rendant tangible l'hypothèse d'une accélération de la diffusion des zoonoses dans la population humaine. Durant les dernières décennies, les exemples sont hélas nombreux : Zika, H1N1, Ebola, Chykungunia, H5N1, SARS-CoV... "La prochaine pandémie arrive, à moins que l'homme ne modifie ses interactions avec les animaux". Suivre son compte twitter

L'écologue de la santé Serge Morand (chercheur CNRS Cirad)

Spécialiste de l'écologie parasitaire, Serge Morand y explique les conditions de l'explosion des épidémies par la combinaison de trois facteurs : la perte de biodiversité, l'industrialisation de l'agriculture – qui accentue encore cette perte – et la flambée du transport de marchandises et de personnes. Lire l'interview sur humanite-diversite.fr

L'anthropologue Frédérick Keck (directeur du Laboratoire d'anthropologie sociale - Collège de France, CNRS, EHESS)

"On réduit souvent les crises sanitaires à des enjeux d’industrie pharmaceutique et de gestion par le gouvernement de ressources rares, mais les crises sanitaires ont des enjeux écologiques. Ce sont même, du fait de l’urgence dans laquelle elles plongent les gouvernants et les populations pour éviter des morts en série, les moyens les plus efficaces de faire comprendre la catastrophe écologique dans laquelle nous sommes. [...] Des scientifiques alertaient déjà depuis les années 1930 (Charles Nicolle en France) et les années 1960 (Frank Burnet en Australie et René Dubos aux États-Unis) sur l’émergence de nouveaux pathogènes du fait des transformations que les humains imposent à la nature, et notamment aux animaux qui sont proches de nous." Extraits d'un entretien publié sur microsmagazine.ch

L'Organisation mondiale de la santé (OMS)

Le panel international d'experts sur les systèmes alimentaires durables (Ipes Food) rappelle que les supposés "gains d'efficacité" du commerce mondial ont ouvert la voie à des systèmes agricoles de plus en plus uniformes, supprimant les coupe-feu de la biodiversité. Ipess Food s'appuie en particulier sur le rapport Biodiversité de l'OMS de 2015 qui alertait sur la destruction des barrières naturelles à la circulation des agents pathogènes. Voir les messages clefs du rapport

L'"écologue des maladies" Richard Ostfeld (Cary Institute of Ecosystem Studies)

La recherche sur la santé humaine tient rarement compte des écosystèmes naturels environnants, déclare Richard Ostfeld, éminent scientifique américain. Avec d'autres, il développe la discipline émergente de "santé planétaire", qui étudie les liens entre la santé humaine et celle des écosystèmes.

"Les scientifiques et le public ont une idée fausse des écosystèmes naturels, qui seraient à l'origine des menaces qui pèsent sur nous. C'est une erreur. La nature est une menace, c'est vrai, mais ce sont les activités humaines qui font les vrais dégâts. Les risques pour la santé dans un environnement naturel peuvent être bien plus graves lorsque nous interférons avec lui", dit-il.

Extrait d'un article du Guardian 'Tip of the iceberg': is our destruction of nature responsible for Covid-19?