Les intervenants internationaux du Festival ALIMENTERRE : Yasmine Lara Beau, Imelda Angondanou, Koami Bokodjin

Le 17 novembre 2025, l’équipe du CFSI a accueilli ses intervenants internationaux avant leur participation aux projections-débats du festival ALIMENTERRE, partout en France pendant une dizaine de jours. Nous avons donc profité de l’occasion pour leur poser quelques questions.

 

YASMINE LARA BEAU

Présentez-vous-en quelques mots, qui êtes-vous et votre parcours

Je m’appelle Yasmine Lara Beau, j’ai 35 ans et je suis franco-malgache. J’habite au Liban depuis 2016 et je fais partie du collectif Buzuruna Juzuruna qui veut dire « Nos graines, nos racines » en arabe. J’ai une formation pluridisciplinaire d’agronomie, d’écologie, de journalisme et un intérêt divers pour toutes ces thématiques. Tout cela se retrouve à Buzuruna car on touche tous ces sujets et plus encore. 

Qu’est-ce qui a fait écho pour vous dans le festival ALIMENTERRE et quelles sont vos motivations pour y participer ?

Je représente un collectif de 20 personnes, qui regroupe des Syriens, des Libanais, des Français. Ce qui fait écho pour nous dans le festival ALIMENTERRE c’est la vision globale et interconnectée de l’alimentation. Mettre en lien des enjeux économiques, politiques, de l’éducation : tout cela fait sens. Et aussi de communiquer plus largement, de ne pas garder ça dans des sphères de gens convaincus mais essayer de voir plus loin dans les lycées, les écoles, les festivals. Cela fait sens de partager, échanger pour qu’on comprenne en quoi nos actions du quotidien peuvent avoir un impact sur notre alimentation. 

C’est quoi pour vous, une alimentation durable et solidaire ?

Pour moi, une alimentation durable est une alimentation ancrée dans son territoire, la plus locale possible, qui essaye de se libérer des importations. Avec tout ce qui se passe, écologiquement et politiquement, être capable de produire sa propre alimentation, ses propres semences par exemple, ça pour moi c’est propice à une alimentation durable, parce que l’agriculture sera durable et résiliente. Et solidaire, ça m’évoque une forme de communauté, de collectif qui agit ensemble pour cela. Nous par exemple, notre thématique c’est la reproduction et la multiplication de semences paysannes. Et par essence même, les semences c’est quelque chose de collectif, ça implique de la solidarité, des réflexions partagées : y’en a un qui va produire des carottes, et l’autre des tomates. Et c’est le tout qui représente une alimentation durable et solidaire.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de votre tournée du festival ALIMENTERRE 2025 ?

J’ai envie de rencontrer des gens d’horizons différents, d’avoir des échos sur nos différents contextes, et partager le nôtre. La région du Levant, ce n’est pas une région dont on parle si facilement en France, avec la langue arabe, etc. Donc je vais essayer d’être une bonne porte-parole pour témoigner de ce qui s’y passe et apprendre des différents contextes. Et avec tous les films qui sont diffusés, faire des ponts entre des thématiques qu’on a là-bas et ici. De transcender les frontières et ressentir que nos luttes sont communes, ancrées sur différents territoires : on se sent moins seuls. Et aussi, de voir l’écho du public, que des gens sont intéressés, se motivent pour aller à la projection, posent des questions : ça donne de l’énergie, de la force pour repartir et continuer. 

Avez-vous un message à faire passer aux participants du festival de cette année ?

Si j’ai un message à faire passer ; c’est déjà de dire MERCI de venir au festival ALIMENTERRE et de soutenir une initiative comme celle-là. J’espère que cela va vous donner envie de creuser le sujet : c’est une porte d’entrée, un moment de partage ensemble mais aussi une fenêtre pour découvrir ces territoires, ces sujets. Et j’espère que ça vous donnera envie d’en parler autour de vous et de continuer à cheminer après le festival. 

Merci d’être venu-es ! 

 

 

IMELDA AGONDANOU

Présentez-vous-en quelques mots, qui êtes-vous et votre parcours

Je suis Imelda Agondanou. Je suis agronome, agroéconomiste, et je travaille au ROPPA en tant que chargée de programme genre et développement des services économiques et plaidoyer. Le ROPPA c’est le réseau des organisations paysannes et producteurs d’Afrique de l’Ouest. Nous intervenons dans les 15 pays d’Afrique de l’Ouest et notre rôle c’est de défendre l’agriculture familiale comme système de production qui peut permettre à la région d’assurer la souveraineté alimentaire, le développement économique, social environnemental inclusif. Nous travaillons sur toutes les filières du secteur agricole et nous embrassons à peu près toutes les thématiques, tous les enjeux du secteur.

Qu’est-ce qui a fait écho pour vous dans le festival ALIMENTERRE et quelles sont vos motivations pour y participer ?

J’aime bien l’idée de parler des enjeux du systèmes agricole de manière différente, à travers des documentaires, comme le permet le festival ALIMENTERRE. Les films mettent des mots plus compréhensibles, donnent plus de lumière au vécu des différents acteurs, avec les films on peut capter l’attention d’à peu près toutes les couches de population, qu’ils soient du secteur ou pas. C’est une autre façon de sensibiliser, de faire du plaidoyer. 

Ce qui m’attire c’est aussi de découvrir les problématiques liées au système alimentaire en France : il y a des points communs avec ce que nous vivons en Afrique, aussi des différences mais beaucoup de points communs. C’est comme si la France avait parfois une longueur d’avance sur des problématiques qui nous guettent aussi. Alors je viens m’enrichir de ça, et surtout des solutions développées par les acteurs pour pouvoir mieux anticiper dans le plaidoyer, dans les actions que nous ferons. Et de l’autre côté, partager comment les différentes questions d’agroécologie, foncier, semences, etc. comment est-ce que ça se vit en Afrique de l’Ouest et les solutions qui y sont apportées.

Nous avons un destin commun : comment est-ce que la production d’ici affecte les productions de nos agricultures. 

Je viens apprendre, je viens partager, je viens découvrir les organisations. Ça va être très intéressant, j’ai hâte ! 

C’est quoi pour vous, une alimentation durable et solidaire ?

Une alimentation durable est une alimentation qui respecte les hommes, et qui est accessible à tout le monde. C’est une alimentation qui respecte le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes ; et qui est saine dans son contenu, mais aussi saine dans sa façon d’être produite. Et cela parle d’enjeux structurels : si vous produisez beaucoup et que vous compromettez la capacité d’autres pays à produire pour eux-mêmes, même si c’est du bio, pour moi ce n’est pas sain, car humainement ce n’est pas solidaire. L’enjeu alimentaire dépasse le cadre technique (sols, intrants, etc.) : il y’a tout un rapport à l’humain et à la politique. Si la production d’aliments n’est pas bonne pour les autres, alors pour moi, les aliments en question ne sont pas sains.

Avez-vous d’autres attentes de votre tournée du festival ALIMENTERRE 2025 ?

C’est vraiment découvrir les gens. Pour moi tout est d’abord humain. Découvrir les gens, découvrir les cœurs, découvrir les luttes, découvrir les sensibilités, découvrir les régions, découvrir les expériences. Et partager ce que j’ai : partager ma personne, partager mon expérience. Réfléchir avec les autres, fertiliser mon cerveau pour pouvoir travailler différemment chez moi, garder des liens avec des personnes ici. Et croire – je ne veux pas espérer, je veux croire, que tout ce qu’on fait va vraiment impacter, va vraiment changer les choses. Attirer les générations futures à prendre des bonnes décisions, parce qu’il y a un volet où l’on sensibilise les jeunes : ce sont les consommateurs, ce sont les dirigeants, ce sont les producteurs de demain. Et on espère que ces petites graines qu’on va semer dans leurs cœurs vont les aider à prendre des bonnes décisions pour le futur. 

Avez-vous un message à faire passer aux participants du festival de cette année ?

Venez nombreux ! Venez, écoutez ! Partageons nos vécus, écoutons-nous mutuellement, partageons nos incompréhensions, restons solidaires dans nos façons de travailler. Nous sommes un même peuple, nous sommes terriens, nous sommes humains. Venez qu’on profite l’un de l’autre !

 

 

KOAMI BOKODJIN

Présentez-vous-en quelques mots, qui êtes-vous et votre parcours

Je suis Koami Bokodjin, coordinateur du RéNAAT, réseau national des acteurs de l’agroécologie du Togo. C’est une organisation qui s’occupe des questions de production et qui comprend plusieurs membres : des coopératives, des associations, des ONGs, mais aussi des citoyens et consommateurs. Ensemble nous formons un écosystème, et travaillons pour améliorer la productivité et les revenus des producteurs, afin de promouvoir des systèmes alimentaires durables aujourd’hui au Togo. 

Qu’est-ce qui a fait écho pour vous dans le festival ALIMENTERRE et quelles sont vos motivations pour y participer ?

A partir de l’écriture même « ALIMEN-TERRE », nous parlons d’une nourriture qui sort de la terre et non des laboratoires. La mondialisation conduit à ce que nous ayons aujourd’hui beaucoup de produits issus de laboratoires, avec des conséquences pour la santé des humains et des écosystèmes. La sensibilisation des consommateurs et des producteurs, et même des politiques, sur ce concept d’« ALIMEN-TERRE » est essentielle, et se développe au Togo. Et si, en tant que coordinateur du RéNAAT, je viens participer à la campagne ALIMENTERRE en France, ce n’est pas du hasard. Nous avons commencé ensemble avec des organisateurs au Togo et maintenant je suis en France comme personne ressource pour venir partager la réalité de l’agriculture au Togo mais aussi pour apprendre de la situation en France, voir les parallèles, les comparaisons et trouver ensemble les synergies pour des solutions plus efficaces et mobiliser davantage d’acteurs. Parce qu’il le faut. 

C’est quoi pour vous, une alimentation saine et durable ?

Partons de la simplicité des choses. La nature nous éduque déjà : c’est la meilleure école. Une graine qui tombe dans le sol, dans une forêt, pousse naturellement sans qu’on aille mette des produits phytosanitaires. Avec l’accompagnement de l’homme bien-sûr. Une alimentation saine doit être exempt de tout ce qui est chimique produit en laboratoire, pour que les éléments nutritifs permettent à ceux qui se nourrissent d’avoir de l’énergie, de la force, de développer leur capacité intellectuelle, émotionnelle et créatrice pour aller vers un monde meilleur. Si nous mettons l’argent avant la santé humaine, c’est grave. Malheureusement, c’est dans ce monde que nous vivons aujourd’hui. Une alimentation saine met en avant la santé des humains plus que l’aspect pécunier.

Quelles sont vos attentes de votre tournée du festival ALIMENTERRE 2025 ?

Mes attentes c’est de mieux comprendre les réalités françaises : apprendre davantage pour mieux orienter nos actions de terrain dans nos différents pays. Mieux comprendre ce qui se passe ici pour revoir nos stratégies d’actions chez nous. Mais il s’agit aussi de partager nos réalités de terrain, parce que nous ne vivons pas les mêmes réalités. C’est les mêmes enjeux, les mêmes défis, les mêmes problématiques, mais nous ne les vivons pas de la même façon. A travers ce partage d’expérience, chacun comprend mieux ce qui se fait ailleurs et peut revoir ses manières d’agir, s’il y en a la possibilité. Il s’agit de pouvoir proposer des solutions efficaces qui répondent aux besoins réels des producteurs. Donc mieux comprendre pour proposer des solutions simples et aller vers cette durabilité du monde agricole. 

Avez-vous un message à faire passer aux participants du festival de cette année ?

Que ce soit au Sud ou au Nord : nous avons des solutions. Or, souvent, nous n’expérimentons pas ces alternatives avant de les critiquer. Ce qui nous fait encore courir derrière les lobbies et les multinationales. Mon message est d’aller « au charbon », d’aller expérimenter toutes les solutions possibles, pour en voir les limites, améliorer les façons de faire et aller vers encore plus de résilience. Tant que nous n’expérimentons pas les alternatives, nous resterons dans ce monde que nous critiquons aujourd’hui.