A Paris, une projection-débat porteuse d’espoir autour du documentaire Les Antilles Empoisonnées, la banane, le chlordécone, organisée par Envie le Labo

Envie Le Labo est un éco-lieu et la vitrine nationale du réseau Envie. Ses actions incluent la réparation et la vente d’appareils électroménagers, le dépannage à domicile, et l’animation d’évènements de sensibilisation autour de la consommation responsable et de la lutte contre le gaspillage. A l’occasion du festival ALIMENTERRE, Envie Le Labo a organisé une projection du film Les Antilles Empoisonnées, la bananes, le chlordécone, suivi d’un échange animé par Fiohana Forier regroupant une soixantaine de personnes et trois intervenantes antillaises.

Djor, Fiohana, Anaïs et Delphine, intervenantes, devant un diapo présentant le jardin créole

Djor Dubois, Fiohana Forier, Anaïs Phaëton et Delphine Robar

Delphine Robar est géographe, son travail met en lumière les croisements entre l’environnement, la santé et les inégalités sociales ainsi que la notion « d’habiter toxique » en Martinique, à savoir le fait d’être à proximité immédiate d’un polluant. Dans le cas du chlordécone, le risque est diffus spatialement puisqu’il se retrouve dans les sols, dans l’eau, et dans le corps des habitants mais il est aussi diffus en termes de temporalité puisque les résidus de chlordécone persistent pour une durée indéterminée et sont transmis de générations en générations. La géographe a insisté sur l’importance de la mémoire des luttes, et met en garde sur la gestion purement technique de la pollution au chlordécone par l’Etat, qui occulte l’histoire coloniale derrière celle-ci et les récits des populations.

Djor Dubois, spécialiste de la filière banane et des politiques publiques, a évoqué la culpabilité que ressentent de nombreux ouvriers et ouvrières ayant épandu du chlordécone dans les bananeraies aux Antilles en raison de l’empoisonnement engendré sur leur territoire et leurs corps. Elle juge dramatique cette culpabilité étant donné qu’on ne la retrouve pas chez les responsables politiques et économiques, notamment les lobbies. Djor Dubois déplore l’orientation des financements publics. En effet, alors que la filière banane dans les Antilles est financée à hauteur de 130 millions d’euros par an via le programme POSEI de l’Union européenne, les cultures vivrières sont largement moins soutenues et les indemnités touchées par certains habitants victimes de la pollution au chlordécone ne correspondent pas aux effets déplorés.

La dernière intervenante, Anaïs Phaëton, fondatrice de FAIM, le podcast sur l’histoire cachée des aliments du quotidien, a présenté les jardins créoles, des espaces de fierté mêlant cuisine et traditions. Une grande variété d’espèces y sont cultivées pour se nourrir et se soigner, permettant aux Antillais de recréer de la biodiversité en se reconnectant aux savoirs faires ancestraux. Les jardins créoles représentent ainsi une forme de résilience là où la population est exposée à une vie particulièrement chère et n’est pas maitre de son alimentation. Afin d’agir en tant que consommateur, Anaïs fait la recommandation de propager l’information sur les injustices que représente la monoculture de banane.

Les débats ont été très riches, porteurs d’espoir et de solutions. L’idée de faire face à la contamination des sols dans les Antilles en réorientant l’économie et l’utilisation des terres vers le textile a été soulevée, ainsi que l’importance de l’aspect communautaire pour sortir des logiques économiques et individualistes et aller davantage vers le partage et le collectif. L’inspirant jardin expérimental de La Roche Perma en Martinique a notamment été présenté. Pour clôturer le débat, l’accent a été mis sur la nécessité de revaloriser les métiers agricoles et artisanaux face aux nombreux coûts cachés écologiques et sociaux du système économique libéral actuel.

Le stand de livres engagés de la librairie Calypso

Stand de la Librairie Calypso

Pour accompagner l’évènement, la Librairie Calypso, première librairie-salon de thé dédiée aux Outre-mer et à la Caraïbe à Paris, a tenu un stand avec des ouvrages d’écologie décoloniale autour de l’agriculture et l’alimentation.

Un bel évènement invitant à « éclore le génie collectif », organisé par Fiohana Forier et Envie Le Labo !

CFSI, Octobre 2025