Bénin - Les Jardins de l'espoir

 

        À l’occasion de la présentation d’ICON, première coopérative panafricaine qui promeut l’alimentation durable en Afrique et du festival ALIMENTERRE au Bénin, nous sommes allés voir Tanguy Gnikobou, 31 ans. Intervenant du Sud pour le Festival ALIMENTERRE 2018, il a co-fondé le projet agroécologique « les Jardins de l’espoir ». Il est aujourd’hui le directeur exécutif de cette association de développement.

Comment sont nés les Jardins de l’espoir ? Pourquoi ?

        Les Jardins de l'espoir sont nés d’une dynamique activiste. J’étais moi-même membre d’Attac Bénin, d’Amnesty International Bénin, engagé dans différents combats pour la justice sociale. Inspirée du panafricanisme et de Thomas Sankara, l’initiative part du principe qu'avant toutes ces luttes, il y en a une essentielle, une à la base de tout : la souveraineté alimentaire.

Si tu n’as pas la souveraineté alimentaire, ça ne sert à rien de s’investir dans les autres luttes car tu n’as même pas réuni les conditions de ton émancipation. Donc si l’on veut militer pour le reste, la première chose à faire, c’est d’être autosuffisant sur le plan alimentaire. En plus, vue l’urgence climatique et face aux méfaits de l’agriculture chimique, il faut aller vers l’agroécologie. En fait, c’est un équilibre entre la permaculture et une agriculture ancestrale. On remet au goût du jour les pratiques traditionnelles qui fonctionnent !

Moi je suis titulaire d’un Master en Sciences économiques et sociales. Avant de devenir un agroécologiste, j’ai dû me former. Pour participer à la construction du projet, j’ai passé 10 mois chez les rastas au Bénin, à Pahou, au centre Ecolojah. Je suis revenu avec un savoir-faire.

Comment s'est passé le démarrage du projet ?

Au début, il a fallu trouver les moyens. Un ami nous a fait un prêt 500 000 FCFA (800 €), ce qui nous a permis de démarrer avec un bail de location d’un an, sur une parcelle d’1/2 hectare, et d’acheter du matériel agricole.

On a eu quelques difficultés au début. Il a fallu attendre 3-4 mois pour les premières récoltes et cela ne suffisait pas pour en vivre. J’ai dû donner des cours du soir, des cours de maths à Cotonou, quatre fois par semaine, pour compléter un peu les revenus. C’est seulement après 6 mois de travail, d’échange de pratiques, de techniques, d’ajustements, que nous avons créé les Jardins de l’espoir.

Est-ce que vous pouvez détailler ces pratiques : elles sont agroécologiques, n’est ce pas ?

On parle de « permaculture ». Cela fonctionne par associations de culture. En procédant ainsi, utiliser des pesticides devient absurde. On ne fait pas de monoculture.

Un exemple très simple, avec la carotte et l’oignon : les insectes nuisibles qui attaquent l’oignon sont repoussés par la carotte, et inversement.

La permaculture, c’est observer, repérer un ensemble d’organismes, dont la vie microbienne du sol, et comprendre intelligemment quelle association on peut faire avec quelle plante. En général, on part sur une culture principale, puis on va y associer des plantes aux fonctions répulsives et des plantes aux fonctions attractives. Le tournesol par exemple, attire les abeilles qui pollinisent.

Il y a aussi toutes les associations d’agrément, pour fertiliser les sols ou pour empêcher le développement des indésirables.

Par exemple, pour faire un brise-vent afin de permettre le développement d’une plante plus fragile, on plante des pois d’Angole pour protéger.

Autre exemple, avant la plantation, pour préserver les sols et lutter contre les adventices, on plante tous les mètres de la Mucuna, une légumineuse qui sert de plante de couverture. Cela empêche les rayons du soleil de toucher le sol, les mauvaises herbes ne peuvent pas pousser. Une fois mortes, ces plantes viennent se décomposer pour enrichir la fertilité du biotope en y apportant de l’azote notamment.

Quelles sont les perspectives d’avenir ?

Les Jardins de l’espoir sont aussi un moyen de réunir, de mobiliser par la pratique. Pour que cela marche, il faut que l’on soit plusieurs à porter le projet. Ce n’est pas l’État qui va le faire à notre place.

Nous avons un Laboratoire d’apprentissage à Tgoudou. Cette ferme urbaine est un modèle ouvert à tous, participatif. Nous sensibilisons aussi énormément sur l’agroécologie. En 4 ans, les lignes ont beaucoup bougé. Le regard sur l’agriculture a changé, être paysan, ce n’est pas être sale. Au contraire, il n’y a pas plus moderne. Grâce à nous, une vingtaine de jeunes se sont lancés et ont installé leurs propres fermes. Nous avons même mis en place un espace de co-working, « Wakanda Talk », qui permet d’avoir un lieu d’échange, un laboratoire d’idées. Au total, depuis 4 ans, on a formé plus de 9000 personnes aux pratiques agroécologiques.

Aujourd'hui, nous sommes 8 associés sur 5 sites avec 10 salariés.

Le modèle est viable, on peut vivre de notre activité, mais maintenant, on voudrait s’agrandir, acheter des terres, passer à l’échelle supérieure afin de répondre à la demande qui est grandissante !

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Retours sur la journée ALIMENTERRE à l'espace Wakand au Bénin

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Propos recueillis le 31/10/2019 par Pierre Piquet