De nouveaux produits pour réinvestir le marché local en Guinée-Bissau

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Multifilières
Pays : Guinée Bissau

90 % de la population rurale de la Guinée Bissau vit de la noix de cajou qui est exportée sous sa forme brute. Quand les cours mondiaux chutent, c’est la catastrophe. Sylvain Colmet-Daage est responsable des programmes agricoles et ruraux d'ESSOR, ONG qui intervient en priorité dans les pays lusophones. L'association accompagne la création de petites unités de transformation pour reconstruire la capacité de la Guinée-Bissau à nourrir la population. 

Sur le plan alimentaire, la Guinée-Bissau est-elle très dépendante de l’extérieur ?

Le riz est l’aliment de base. La Guinée-Bissau en importe de très grandes quantités alors qu’elle a été un gros producteur par le passé. Pendant des années, les politiques agricoles se sont limitées à la promotion de la culture de l’anacardier, pour l’exportation massive de noix de cajou. Cette monoculture de rente occupe une part importante des surfaces agricoles, ce qui a conduit à délaisser les cultures vivrières. Il existe encore des rizières mais la plupart sont salées par la mer qui pénètre loin à l’intérieur des terres. Ceci nécessite des traitements complexes pour laver les rizières avec les premières pluies avant de pouvoir planter.

Pourquoi axer votre action sur la transformation alimentaire artisanale ?

Nous pensons que la transformation de la production vivrière est une réponse aux problèmes de transport, de surproduction momentanée, et de commercialisation rencontrés par les paysans. Nous organisons la transformation de manière artisanale et locale, dans les villages. Ce type de transformation est préférable à celle réalisée par une grosse unité qui, par exemple, achète des mangues à tous les producteurs d’une région. La transformation artisanale est plus souple, les structures sont plus faciles à gérer. Les grosses coopératives de transformation connaissent souvent des conflits quand l’argent afflue. Cette décentralisation de la transformation permet également d'éviter le transport de produits frais sur de grandes distances et de créer de l’emploi et de la valeur ajoutée dans les villages, ce qui limite l'exode rural. 

 

Equipe du projet en Guinée-Bissau

En quoi votre expérience au Cap-Vert est-elle utile pour la Guinée-Bissau ?

Au Cap-Vert, nous avions créé une coopérative pour la vente et formé le gérant. Mais nous avons eu de nombreux problèmes avec ce système. Le premier gérant est parti, le suivant n’était pas compétent et a dû être licencié. Pour éviter ce genre d’écueil, nous nous sommes cette fois appuyés sur l’organisation locale KAFO. KAFO est une fédération d’organisations de paysans qui intervient également en tant que porteur de projets ruraux. En Guinée-Bissau, l'Etat est très peu actif dans les campagnes, mais il existe beaucoup de structures associatives nationales qui fonctionnent bien.

Réunion de KAFO © ESSOR

Les associations sont assez éloignées du monde du commerce. Nous sommes conscients de cette faiblesse. KAFO étant une association à but non lucratif, elle a donc créé « KAFO commercial » qui est enregistré sous la forme d’une entreprise privée. Cela permet d’éviter les problèmes de gestion relatifs aux formes coopératives.

La coopérative n’est donc pas la forme d’organisation appropriée ?

Pour bien fonctionner, une coopérative nécessite à la fois un grand professionnalisme du gérant et une maîtrise de sa base, via la communication et la participation des adhérents. Deux écueils sont fréquents dans le fonctionnement des coopératives : soit il existe une forte participation des membres, mais un déficit de professionnalisme dans la gestion commerciale ; soit, et c’est souvent le cas des coopératives créées lors des projets, la participation des membres est symbolique et la coopérative est en fait dirigée par un gérant qui se trouve seul aux commandes et finit par piloter la structure comme son entreprise privée.[...]

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Creuser le sujet :

- Témoignage, Simon Baliteau d'ESSOR : comment valoriser les produits agricoles capverdiens sur le marché ? 2014

- Témoignage, Moustapha Ka : émergence de micro-entreprises de transformation dans l'Est du Sénégal, 2014

- Information, L’industrie agro-alimentaire frémit, 2014