Cameroun : une déforestation massive travestie en projet de développement

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Anglais Français
Thématiques : Agrobusiness, Biodiversité

Par son nom même, la société américaine SG Sustainable Oils Cameroon Ltd (SGSOC) revendique son attachement à une exploitation durable des ressources naturelles. Elle met aussi en avant un partenariat avec All for Africa, une ONG prétendument de ‘développement’... Pourtant ce rapport de l'Oakland Institute publié en partenariat avec Greenpeace montre que ce projet de production d'huile de palme industrielle a de grave conséquences sur les populations locales et l'environnement.

Ouvrière agricole dans une plantation de palmiers, Cameroon. © Jan-Joseph Stok / Greenpeace

En 2009, la SGSOC ratifiait avec le gouvernement camerounais une convention d'établissement d'une plantation industrielle de palmiers à huile et une raffinerie lui concédant une surface de plus de 70 000 hectares situés au sud -est du Cameroun, à la faveur d'un bail de 99 ans. La SGSOC est une filiale à 100 % de la société américaine Herakles Farms, dont le président est également à la tête de l'ONG "All for Africa". Herakles Farms prétend que ce projet contribuera au développement socio-économique de la zone et à la protection de l'environnement et promet également que le partenariat avec All for Africa favorisera le développement durable grâce à l'investissement d'une partie des profits dans des projets de l'ONG.

Quels bénéfices pour les camerounais ?

L'enquête d'évaluation d'impact social et environnemental conduite par l'entreprise (ESIA - Environnemental and Social Impact Assessment) consuite par l'entreprise reconnaît elle-même que l'impact négatif de la plantation sur les moyens de subsistance sera "majeur" et "à long terme". Etant donné que la convention laisse à la SGSOC un droit exclusif sur toutes les activités agricoles menées sur la zone, les populations vivant de l'agriculture (entre 15 000 et 45 000 personnes) vont probablement devoir se déplacer pour trouver d'autres espaces agricoles.*

Le rapport prétend que "cette perte sera compensée par les opportunités d'emplois offertes par le projet". Or, la convention ne prévoit aucune garantie quand au nombre d'emplois créé et autorise l'entreprise à rémunérer "sur la base de critères de productivité et d'efficience" et à négocier librement les conditions de licenciement. Elle prévoit également qu'en cas de conflit entre la convention et la loi camerounaise "les droits, obligations et devoirs des parties seront présumés être ceux prévus par la présente convention". En d'autres termes, la société s'arroge le droit de payer ses employés en-dessous du salaire minimum légal et de s'exempter du respect de certaines lois camerounaises.

Avec un tarif de location de seulement 1 dollar par hectare et par an (500 FCFA) et une exemption de toutes taxes et droits de douanes pour 10 ans, il est vraiment peu probable que le pays en retire un quelconque bénéfice. Comme le relève une étude complète du contrat SGSOC conduite par deux ONG camerounaises (CED et RELUFA), "alors que le gouvernement camerounais dépense des sommes considérables pour subventionner l'importation de produits alimentaires afin de ralentir l'inflation sur le marché local, ces dépenses pourraient être significativement réduites s'il supportait la production destinée à la consommation domestique plutôt que des plantations agro-industrielles tournées vers les marchés d'exportation".