MONEY FOR NOTHING ? L'Inde expérimente le revenu inconditionnel

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Faim et malnutrition

Dans son dernier numéro, le magazine Altermondes zoome sur une ambitieuse expérience d'allocation inconditionnelle auprès des populations rurales menée par un syndicat de femmes (Sewa) en Inde. Une réflexion qui pourrait ouvrir une nouvelle voie dans la lutte contre la pauvreté. En effet, le Parlement indien a beau avoir approuvé le plus vaste programme de sécurité alimentaire au monde (le Food Security Bill), beaucoup craignent que le dispositif ne reproduise les erreurs à l’origine de l’échec de nombreux programmes sociaux.

[Extraits]

Ghodakhurd est un village de l'Etat du Madhia Pradesh, l'immense cœur aride de l'Inde. C'est l'un des villages qu'a choisi Self Employment Women Association (Sewa), un syndicat de femmes qui travaille dans l'économie informelle, pour mettre en œuvre une audacieuse expérience d'allocation inconditionnelle.

Première étude de recherche appliquée réalisée en Inde, ce projet, qui s’est déroulé entre juin 2011 et janvier 2013 avec des fonds de l’Unicef Inde, a consisté à verser mensuellement 200 roupies (2,3 euros) à chaque adulte, et 100 roupies à chaque enfant (à la mère ou au tuteur), puis respectivement 300 roupies et 150 roupies dans les six derniers mois de l’étude. Neuf villages, tirés au sort dans le district d’Indore, étaient concernés, touchant en tout 6 000 personnes.

Les résultats montrent une augmentation significative des dépenses dans la nourriture, les médicaments et l’éducation, une augmentation de l’épargne et une réduction de l’endettement, ainsi qu’une amélioration de l’habitat. Autre résultat inattendu : les gens sont largement passés d’un travail salarié saisonnier ou occasionnel à davantage d’agriculture et de commerce pour leur propre compte, et l’exode lié au travail a fortement diminué.

La réflexion sur le revenu inconditionnel naît en effet de la faillite des programmes conditionnels de lutte contre la pauvreté. Selon la Commission de planification, seulement 27 % des dépenses publiques pour lutter contre la pauvreté atteignent les personnes à bas revenu. Pourtant devant la présentation de l'étude, le ministre des Affaires rurales a balayé les résultats d'une revers de main : « On pourrait faire l’étude à un autre endroit et obtenir des résultats inverses. Si nous ne posons pas de conditions, qu’est-ce qui garantit que l’argent ne sera pas dépensé pour acheter de l’alcool ? »

Guy Standing, l'économiste associé au projet de Sew estime, lui, que les échecs successifs des plans de lutte contre la pauvreté résident dans les conditionnalités, car elles introduisent de l’arbitraire et de l’exclusion. « Conditionner l’aide pour cibler les plus pauvres, quand bien même il s’agit d’une bonne idée, ne fonctionne pas en pratique, comme le montrent de nombreuses études. Identifier les pauvres est difficile administrativement, coûteux et source d’erreurs tragiques. Il se révèle moins coûteux de l’universaliser.»  Ce professeur d’études du développement à la School of Oriental and African Studies de l’université de Londres est aussi le fondateur du Basic income earth network (Bien), qui trouve aujourd’hui un terrain d’expérimentation en Inde. «Il s’agit de réduire la violence sociale en réfléchissant à la sélectivité, répond-il sans détour au ministre. Non, le revenu de base n’est pas une solution miracle. Il fonctionne de manière optimale avec de bons services publics et de l’investissement social. Il n’y a pas de solution miracle. » Le Food Security Bill, voté à moins d’un an des élections législatives, est lui aussi loin de cette réflexion.

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Creuser le sujet :

- Article Le Monde Idées, Pour la mise en place d'un revenu universel, 2013