Marier économie sociale et solidaire et agriculture biologique au Burkina Faso

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Miel et autres produits forestiers, Produits laitiers
Pays : Burkina Faso

Au Burkina Faso, l’agriculture biologique moderne existe depuis plus de 20 ans. L’enjeu est de la faire changer d’échelle. Comment ? Par la structuration des groupements de producteurs, des unités économiques (laiterie, miellerie et centre d’élevage) et la concertation.

C’est ce sur quoi travaillent Benoît Naveau (chargé des partenariats en Afrique de l’Ouest de l’ONG belge Autre Terre) et ses partenaires burkinabés APIL (Action pour la promotion des initiatives locales), ATAD (Alliance technique d’assistance au développement), Le Baobab (association locale de développement) et le Conseil national de l’agriculture biologique (CNABio).

L’Économie sociale et solidaire (ESS) entend concilier services sociaux et efficacité économique, comment ?

Avec l’association APIL, nous avons créé des unités économiques rentables [miellerie, laiterie] pouvant financer ses activités sociales. Dès que l’autonomie financière a été atteinte, la production et la commercialisation ont très vite augmenté et APIL a engagé un manager pour les gérer.

En ESS les producteurs participent à la gestion de l’entreprise, et dans votre projet ?

La fédération des groupements de producteurs participe aux choix stratégiques de l’entreprise, ce qui garantit qu’ils profitent de ses bénéfices. Leurs délégués participent aussi à l’Assemblée générale d’APIL.

Comment s’organisent les relations entre les producteurs et les unités économiques ?

Le lait étant un produit périssable, la laiterie passe commande aux éleveurs selon ses besoins. Le lait pasteurisé et les yaourts représentent 80 % de sa production. Sucrés avec le miel de la miellerie, ils se conservent plus longtemps.

Les producteurs de miel décident de la quantité qu’ils vendent à la miellerie et de celle qu’ils vendent eux-mêmes sur le marché local. Il n’y a pas de concurrence : la clientèle locale apprécie le miel brut, et les citadins le miel transformé.

Quelle est votre stratégie commerciale ?

Nous visons un milieu de gamme pour classes moyennes. Nous avons travaillé sur le nom et les étiquettes et deux personnes de la laiterie et de la miellerie sont en charge des relations avec les commerçants et de la promotion.

La miellerie diversifie ses produits. Le miel de manguiers est une réussite : il se vend deux fois plus cher et la production de mangues a doublé grâce à la pollinisation des abeilles. Elle développe aussi des produits dérivés (jus, savon, baume à lèvres, pommades) et propose divers emballages (les petits marchent le mieux).

Vous participez au Conseil national de l’agriculture biologique (CNABio), pouvez-vous nous en dire plus ?

Le CNABio est composé d’une quarantaine de structures de production ou de commercialisation de produits bio du Burkina Faso. C’est un cadre d’échanges et de concertation. Le défi est de créer un cadre législatif et règlementaire favorable et d’élaborer un cahier des charges national adapté. Un système de certification participatif garantira des produits bio à un coût raisonnable aux burkinabés.

Le CNABio compte : épauler les producteurs pour certifier leur production, organiser des formations et de l’appui-conseil sur la production bio et le respect des normes, sensibiliser les consommateurs et créer des points de vente spécifiques.

Les producteurs sont-ils réceptifs à l’agroécologie ?

Les producteurs sont extrêmement réceptifs. Produire selon des pratiques agroécologiques coûte beaucoup moins cher. Ils constatent l’amélioration de la qualité de manière très concrète, par exemple la conservation plus longue et le meilleur goût. Il y a néanmoins des difficultés à surmonter, par la formation, le suivi et l’appui-conseil.

Et les consommateurs ?

Les consommateurs sont souvent persuadés que ce genre de produits est plus cher. Il faut travailler avec les producteurs qui ont tendance à augmenter les prix pour le bio, alors que la production ne coûte pas plus cher. Nous voulons jouer sur la qualité sans viser un marché de niche réservé à la grande bourgeoisie. [...]

Propos des 12 décembre 2011 et 24 juillet 2012 édités par Justine Mounet.

 

Pour creuser le sujet :

Film, Cultures en transition, 2012 (présenté au Festival ALIMENTERRE 2013)

Etude, Répondre aux défis du XXIème siècle avec l’agroécologie : pourquoi et comment ?, 2013