L'espace géographique et l'espace social dans le projet d'Addax en Sierra Leone

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Agrobusiness
Carte ci-contre :
Réafffectation dirigiste de terres aux communautés villageoises : principe géométrique de réaffectation des terres disponibles compte tenus de tous les espaces de projet (Document Addax Bionergy)

Addax Bioenergy, est une firme suisse qui investit en Sierra Leone pour cultiver de la canne à sucre, et qui offre un cas assez bien documenté parce que l’entreprise a joué la carte de la transparence, de la méthodologie et de la légalité du processus.

L'auteur* laisse de côté volontairement les aspects juridiques, économiques et environnementaux du projet pour se concentrer sur un aspect souvent oublié : la transformation géographique de l'espace et ses effets sociaux. Il met en évidence que l'interprétation que l'on peut faire des photographies aériennes est toute relative. De plus, la mobilité des formes d'occupation a été négligée car elle n'est pas compatible avec le caractère fixe des structures d'un projet agro-industriel (les plantations sont prévues sur 157 cercles (irrigation à pivot central). 

La nouvelle définition de l'espace social et de l'espace productif laissé aux populations résidentes est une définition interstitielle du peuplement, issue directement de la cartographie des pivots (carte ci-dessus). Les pivots imposent une fragmentation de l'usage de l'espace et surtout, les pivots interdisent l'usage libre et alterné de l'espace.

L'auteur souhaite ainsi relever la contradiction principale du dossier : l'entreprise lance un projet agro-industriel déterminé, mais qui prend appui sur un territoire social dont elle a acquis les droits et dont elle remodèle la forme et les fonctions économiques, sans préjuger de son impact sur les structures sociales, la vie politique et le fonctionnement de l'administration. Or l'entreprise estime, par exemple, que la santé et l'éducation sont du ressort du gouvernement. Si l'entreprise se considère comme une partenaire plutôt qu'un substitut à la puissance publique, pourquoi ne pas se situer dans une logique commerciale et contractuelle, en lieu et place d'un bail emphytéotique avec remodelage forcé des territoires ?

*Gérard Chouquer est géographe et directeur de recherche au CNRS. Il contribue largement à l'Observatoire des formes du foncier dans le monde (voir l'article Donner à voir les accaparements de terres).