Guillaume Bastard du Gret : comment appuyer la filière lait sénégalaise ?

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Produits laitiers
Pays : Sénégal

Les éleveurs sénégalais se montrent de plus en plus intéressés par la vente du lait du fait de l'augmentation de la demande urbaine. Mais les éleveurs ont besoin d'être soutenus pour saisir cette opportunité. Les ONG ENDA Sahel et Gret mettent en œuvre le "PROLAIT" (Projet d’appui à la transformation et la valorisation du lait au Sénégal) pour développer les produits issus du lait des vaches sénégalaises. Guillaume Bastard réprésente le Gret au Sénégal.

Comment appuyez-vous la filière lait sénégalaise ?

A travers le renforcement de mini-laiteries qui visent les marchés des petites villes secondaires du pays. Nous travaillons dans le cadre de ce projet avec 17 entreprises, en termes de gestion, de distribution, d'achat et de relation avec les éleveurs. Il s'agit de travailler sur la qualité, de réaménager les locaux, d'élaborer des stratégies commerciales, de suivre les ventes,... En somme tous les aspects qui déterminent dans quelles conditions une mini-laiterie découvre son marché, le négocie, l'approvisionne. Nous avons voulu renforcer les entreprises avant de passer à des systèmes de contrat avec les éleveurs.

Pourquoi passer des contrats avec les éleveurs ?

Il existe une défiance des éleveurs vis-à-vis des laiteries qu'ils suspectent de faire des marges énormes à leurs dépens. Il y a tout un chantier à mettre œuvre pour casser cette image négative des laiteries : séances de discussion sur la répartition de la valeur ajoutée dans la filière, sur le prix du lait. On pourrait imaginer un système de changement du prix selon la saison, ou bien au contraire lisser le prix sur l’année avec un engagement de la laiterie à acheter le lait toute l'année. Il faut en tout cas établir une relation de confiance.

Dans certains cas (3 laiteries sur les 17 appuyées), les entreprises fournissent de l’aliment de bétail durant la saison sèche aux éleveurs. Le prix de l’aliment est alors retenu sur le prix du lait. On peut penser que dans quelques années, les contrats de ce type pourraient se généraliser.

La discussion avec les laiteries doit aussi porter sur les services d’ordre socio-économiques qu’elles peuvent apporter à l’éleveur. Par exemple, elles pourraient faire une avance sur le prix du lait pour que les producteurs puissent payer la scolarité de leurs enfants.

Les mini-laiteries ont elles innové en termes de transformation ?

Des laiteries qui ne faisaient que du lait caillé se sont lancées dans la production de yaourt en complément de gamme. Ces yaourts sont un peu plus chers, et vendus surtout aux fonctionnaires. Il y a également du fromage, de type pâte pressée, de préparation assez simple car il n’y a pas beaucoup d’affinage. La laiterie Le Fermier à Kolda s’est lancée dans la production d’un fromage plus affiné, qui marche bien, notamment au niveau des restaurants.

Le gros intérêt du fromage est qu’il permet de conserver le lait qui est disponible en abondance pendant l’hivernage. De plus, un fromage peut être transporté à 10 degrés et pas à 4, comme c’est le cas pour le lait. Il y a par ailleurs de gros débouchés potentiels, au niveau des restaurants, mais aussi pourquoi pas au niveau des boutiques. [...]

Propos recueillis le 11 juillet 2012 par Mathilde Leclerc et édités le 20 novembre 2013 par Hélène Basquin.

 

Pour creuser le sujet :

Témoignage, Entretien avec Moussa Baldé sur la filière lait local au Sénégal, 2013

Fiche innovation, Mini-laiteries coopératives pour optimiser la collecte et la distribution du lait local, 2013

Information, Le Sénégal, en pleine montée de lait, 2013