Les éleveurs ouest-africains s'affirment sur la scène politique

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Elevage bovin, Produits laitiers
Pays : Burkina Faso Mali Sénégal

Hindatou Amadou est la responsable plaidoyer et genre de l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en savane (APESS). L’élevage est un secteur économique important en Afrique de l’Ouest mais les espaces pastoraux sont sous pression. Des engagements politiques ont été pris en faveur des éleveurs mais leur traduction opérationnelle se fait attendre.

Comment le plaidoyer est-il devenu une priorité pour les éleveurs ?

L’APESS a été fondée en 1989 au Burkina Faso au lendemain des grandes sécheresses avec une recherche action pour sécuriser l’alimentation des animaux. L’organisation s’est ensuite étendue et structurée dans tout le Sahel mais aussi en République centrafricaine et récemment en Mauritanie ainsi que dans certains pays côtiers (13 pays en tout). C’est en 2011, à l’occasion de l’élaboration participative du Document d’orientation stratégique, que le plaidoyer est apparu comme une préoccupation majeure. Le slogan était : « si tu ne fais pas la politique, la politique te fera ». Certains éleveurs étaient déjà engagés dans des cadres de concertation locaux en tant qu’élus, ils voyaient donc combien il était important d’y participer, au risque, sinon, de subir les décisions politiques.

Avez-vous été entendus ?

Nous avons obtenu des résultats intéressants au niveau de la Cédéao lors de la révision de l’Ecowap, la politique agricole d’Afrique de l’Ouest. Grâce aux analyses faites par les cellules nationales de coordination de l’APESS de la situation de l’élevage et des politiques publiques d’élevage, nous avons formulé des recommandations qui ont influencé la nouvelle politique. L’action a été menée conjointement avec trois autres organisations : le Réseau Billital Maroobé (Réseau des organisations d’éleveurs et pasteurs d’Afrique), le Réseau des organisations paysannes et des producteurs d’Afrique de l’Ouest (Roppa) et la Confédération des organisations d’élevage traditionnel en Afrique de l’Ouest et du Centre (Coret). L’élevage est bien mieux pris en compte dans les textes d’orientation de la Cédéao. La filière laitière est devenue une priorité pour la région avec l’offensive lait.

Il faut à présent veiller à ce que ces engagements soient répercutés au niveau national, où le plaidoyer national représente un grand défi.

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Comment construisez-vous votre expertise ?

Nous faisons remonter les informations grâce à un outil très intéressant : le bilan simplifié d’exploitation qui est une photographie socioéconomique d’une famille d’éleveurs. Nous avons récemment analysé 1 200 bilans d’exploitations familiales en provenance de tous les pays. Ils sont riches d’enseignements.

La transformation commence à entrer dans les pratiques sur l’exploitation familiale. On assiste également à une plus grande diversification et orientation vers le marché. Dans certaines régions à forte pression foncière, les éleveurs achètent des terres pour sécuriser leurs cultures fourragères et évoluer vers la semisédentarisation, prônée par l’APESS. Les bilans montrent aussi l’importance d’améliorer la gouvernance des ressources pastorales et les éleveurs sont davantage présents dans les cadres de concertation locaux.

Les bilans nous renseignent sur la diversité de situation des exploitations familiales. Près des deux tiers (63 %) sont déficitaires, c’est-à-dire qu’elles couvrent moins de 11 mois de besoins alimentaires de la famille. 10 % sont considérées en équilibre précaire, les besoins sont couverts entre 11 et 13 mois. Les autres (27 %) sont excédentaires. L’APESS travaille sur des appuis opérationnels différenciés et intègre cette différenciation dans le plaidoyer : par exemple, pour les exploitations déficitaires, la priorité est la mise en place de filets sociaux, alors que  pour les exploitations proche de l’équilibre, c’est plutôt l’accompagnement à la diversification. La facilitation de l’accès au marché concerne toutes les exploitations car, même celles qui sont déficitaires mettent en marché en moyenne 40 % de leur production. [...]

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