Accès à l'alimentation durable : le discours au grill des pratiques

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Impact des choix de consommation, Alternatives de commercialisation

Bien que mise en avant par le discours, la mixité sociale est bien souvent absente des dispositifs locaux de circuits courts.Cet article paru dans Transrural Initiatives a été rédigé à partir d'une revue de littérature sur l'accès à l'alimentation durable. 

Les initiatives citoyennes d'alimentation alternative qui s'organisent au niveau local, comme les Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap), les groupements d'achats et leurs formes dérivés (systèmes de panier...), représentent un des principaux moyens d'approvisionnement alimentaire durable et de qualité. Elles sont un des symboles de la volonté de réappropriation par les citoyens de l'espace alimentaire en réaction au système dominant (grandes surfaces approvisionnées par des produits issues de l'agriculture conventionnelle) et aux politiques centralisées défaillantes.

Cette relocalisation de l'alimentation se conçoit donc comme un retour à l'essence même du libéralisme, en permettant l'émancipation des citoyens vis-à-vis des institutions sociales et économiques et la responsabilisation de l'individu dans sa société, comme le concevaient les Lumières au XVIIIème siècle. Ce libéralisme plus social, plus centré sur l'humain, s'oppose au libéralisme capitaliste qui a imprégné nos sociétés.

Barrières symboliques

Cependant, cette émancipation ne touche pas de manière égale toutes les catégories de la société : le constat de l'absence des classes populaires dans les dispositifs participatifs d'alimentation durable est très marqué. Il a été établi par les travaux de la sociologue Claire Lamine ou de l'économiste Pierre Mundler dès 2007. Ces études ont également montré que ce n'est pas le prix de l'alimentation dans ces dispositifs qui freine l'intégration des catégories populaires. Elles pourraient d'ailleurs alléger leur budget en y participant. Cette non-participation est plutôt révélatrice d'une distinction socio-culturelle. En effet, la consommation est influencée par des marqueurs sociaux ; alors que pour les populations précaires, une consommation standardisée peut permettre de se sentir rattaché à la norme, pour les classes moyennes, elle va refléter des volontés de différenciation sociale. 

Le public des Amap ne se caractérise pas forcément par un capital économique très élevé, mais par un capital culturel très développé. Ces "classes moyennes culturelles" définies par un haut niveau d'étude et des rémunérations relativement moindre, sont surreprésentées dans les dispositifs : typiquement les professeurs, les étudiants, les chômeurs diplômés, les employés du secteur associatif ou du secteur public.

Or ces catégories sociales définissent l'éthique de la consommation et créent des dispositifs centrés sur les problématiques auxquelles elles sont les plus sensibles (environnement, santé, ...). Ainsi, cette consommation alternative est définie par et pour ces classes moyennes, sans considérer ni le contexte social ni les revendications des catégories populaires. Le sociologue Pierre Bourdieu décrirait cela comme un mécanisme plus ou moins conscient de distinction sociale. Ces différences dans l'acte d'approvisionnement alimentaire, si banal et quotidien, créent une barrière symbolique entre groupes sociaux. 

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